Pudeur et sentiments

C’est la manifestation d’une retenue, d’une gêne, pour une partie de son corps, et par extension un sentiment qui empêche une personne de dire, d’entendre, de faire quelque chose sans éprouver gêne et embarras. La pudeur se manifeste aussi bien sur le plan social, moral, verbal, ce n’est pas un sentiment inné, grandi avec l’enfant en fonction de son univers social, culturel. Elle est entourée de délicatesse, de discrétion, de réserves, elle est privée, mais pas toujours individualiste, il y a des pudeurs familiales autour de secrets par exemple !

La pudeur est un droit à la protection de la vie privée de l’individu, le besoin d’intimité a évolué en fonction du statut social et économique ainsi que de l’évolution de l’habitat. Dans les zones rurales, l’habitat était collectif, intergénérationnel, à la différence de la bourgeoisie et de la noblesse qui disposaient d’un espace suffisamment important pour ménager des lieux privés pour chacun. L’amélioration économique a permis de faire disparaître la classe, la salle commune, au profit d’un cloisonnement de l’espace permettant un retrait, une autonomie du couple, la création d’un espace intime.

Le besoin d’intimité est un besoin fondamental, c’est un privilège plus difficile à obtenir chez les plus pauvres, chez les plus vulnérables du corps social, pourtant il est indispensable à tout être humain, il est ce qui nourrit la pudeur qui détermine une limite entre les individus, un espace propre à chacun.

La littérature, l’art, le cinéma, ouvrent des brèches dans cette intimité, parfois avec scandale, il n’est pas toujours bon de dépasser les codes, mais ce sont des interprétations nourries par l’imaginaire.

Il en va autrement, dans les mises à mal de notre société moderne, « grâce » aux moyens technologiques permettant continuellement de faire des intrusions dans la vie privée. Jusque dans la rue, on peut surprendre des conversations supposées intimes de téléphone portable à téléphone portable ! Les télé-réalités, les talk-shows, offrent en pâture Monsieur tout le monde (qui devient une star) et ses problèmes à des millions de spectateurs qui se repaissent de ses difficultés, peut-être pour soigner les leurs, sans être conscients d’être des voyeurs.

Le héros de la fête semble avoir abandonné toute pudeur, à contourner les règles sociales, il perd sa propre dignité, manipulé par les animateurs, véritables entremetteurs de l’intimité !

Il semble ne plus y avoir de limite aux provocations où le public revendique tout savoir comme un droit, et où la transparence semble être devenue une obsession. On est alors dans l’impudeur, voire l’indécence, qui ne se conforment plus aux codes sociaux du respect de l’individu.

Heureusement, des constructions juridiques sont là pour contrecarrer ce désir immodéré de pénétrer dans l’intimité des personnes pour réduire le mystère.

Il faut défendre la frontière entre un intérieur de la personne, « le privé » et un extérieur « le social ». L’éthique c’est de ne pas franchir la barrière.

Je plaide pour la pudeur synonyme de respect, de protection, de confiance, de délicatesse, qui dissimule volontairement des pensées qui pourraient être perçues comme indécentes ou blessantes.

Montaigne conclura mon propos :

« La pudeur sied bien à tout le monde : mais il faut savoir la vaincre, et jamais la perdre »

L’invitée du dimanche