Donald show

Il y a plusieurs manières de considérer les déclarations récentes du président élu des États-Unis, qui n’aura pas attendu sa prise de fonction officielle pour annoncer la couleur, en particulier sur son propre réseau social, baptisé Truth, « vérité », par pure provocation. On serait d’abord tenté de penser que Donald Trump a voulu tester ses dernières vannes, à la manière d’un humoriste qui prépare son prochain spectacle en glissant de nouvelles blagues dans sa prestation, afin de ne garder que les « pépites » en se débarrassant des scories. Plus c’est gros, plus ça passe, dit-on, et le futur président frappe très fort en se proposant de mettre la main sur trois régions stratégiques sous des prétextes divers.

Pour rappel, il a visé successivement la zone de Panama et son atout principal, le fameux canal, le Groenland, qui appartient au Danemark, et le Canada dont il veut faire un vassal en devenant le 51e état de la confédération américaine. Vu d’Europe, et en particulier de France, on pourrait croire qu’il s’agit simplement d’une nouvelle provocation du milliardaire, d’une énième provocation gratuite, voire d’un délire mégalomaniaque d’un autocrate revenant au pouvoir dans le pays le plus puissant de la planète, mais ce serait le sous-estimer gravement. De la même manière que Wladimir Poutine, Donald Trump a toujours annoncé ses intentions et il a essayé de les mettre en œuvre tant que personne n’a pu l’arrêter. Contrairement aux apparences, ces trois chantiers sont à prendre au sérieux. Donald Trump voudrait mettre fin à la guerre en Ukraine, qui nuit au commerce international et à la circulation des biens de consommation et des capitaux, mais il ne renonce pas à une autre forme de conflit, dont il espère bien tirer des bénéfices et sortir vainqueur, face à la concurrence de son véritable adversaire, la République de Chine.

Avec ses déclarations de Noël, Donald Trump reprend le flambeau de l’impérialisme américain, sous d’autres formes qu’au 20e siècle, mais avec des techniques rappelant l’époque des républiques bananières dans le centre et le sud du continent américain. Au-delà des pitreries et des positions outrancières destinées à amuser la galerie de l’Amérique profonde qui l’a porté à nouveau au pouvoir se cache une volonté hégémonique au service d’une ambition sans limites. Trump reprend le flambeau d’un de ses prédécesseurs, Harry Truman, qui avait déjà proposé de racheter le Groenland en 1946, pour faire pièce à l’empire soviétique, à l’époque son rival le plus dangereux. Pour l’instant, le Danemark a tenu bon, en refusant le gain immédiat que représenterait une transaction financière, bien que le royaume n’exploite pas ses réserves en minéraux précieux. L’affaire serait surtout rentable pour les États-Unis, qui détiennent la monnaie d’échange du dollar et peuvent donc payer en monnaie de singe du fait de leur position dominante.