Indulgences

Je profite de la vacance provisoire de l’actualité, suspendue à l’annonce faite à Marie, pardon, au peuple français, du nom du futur Premier ministre, par l’ange Gabriel, pardon, par Saint Emmanuel Macron qui fait durer son bon plaisir, pour revenir sur la réouverture de la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Cet exploit de reconstruction en seulement 5 ans, nous le devons naturellement beaucoup plus aux petites mains et au travail des artisans ou compagnons qui ont su retrouver les gestes et les techniques des premiers bâtisseurs, qu’à l’action volontariste des politiques désireux de s’associer à un projet qui les dépasse.

Il a aussi fallu mobiliser un budget colossal, pour lequel il y a eu un appel aux dons qui a connu un succès sans précédent. Pas moins de 846 millions d’euros ont ainsi été récoltés, au point de permettre de mettre de côté une partie des fonds pour aménager le parvis et les alentours dans un second temps. La majeure partie du budget a été récoltée par les dons de trois familles richissimes : celle de François Pinault, de Bernard Arnault, et Bettencourt Meyers, qui, à elles trois, ont apporté plus de 500 millions. Le complément est à mettre au crédit des 340 000 donateurs de sommes moins importantes. Par contraste, l’absence remarquée d’un autre milliardaire, Vincent Bolloré, a été remarquée. La facilité avec laquelle de telles sommes ont pu être levées en un temps record est à rapprocher d’autres levées, ce bouclier cette fois, quand il a été question dans les discussions budgétaires de faire une ponction dans les bénéfices records des sociétés excédentaires et la fortune de leurs dirigeants. La comparaison m’est apparue soudain aveuglante avec le système mis en place un temps par l’église afin de financer la rénovation de la basilique Saint-Pierre de Rome, connu sous le nom de « commerce des indulgences ».

Il s’agissait alors de monnayer un rite permettant aux pêcheurs fortunés d’acheter une réparation de leurs fautes afin d’éviter, totalement ou partiellement, de devoir les expier au Purgatoire et accéder ainsi directement à la félicité suprême du Paradis, moyennant finances. On peut se demander si les ultrariches contemporains ne se sont pas infligé eux-mêmes cette pénitence pour se pardonner leur insolente réussite, alors que tant de malheureux manquent du strict nécessaire. Alors, c’est vrai que la reconstruction de Notre-Dame fait partie des nobles causes et que l’on ne peut que se réjouir de la voir renaître à sa vocation à la fois de lieu de culte et de monument pour tous, chrétiens ou non. Cela ne doit pas faire oublier que le mécénat ne peut pas se substituer à une volonté politique qui devrait être de réduire les inégalités. C’est aussi toute la différence entre la charité, octroyée aux pauvres, et sujette aux caprices de la générosité des plus riches, et la fraternité, qui devrait s’imposer à tous et être garantie par un état protecteur.