Un café et l’addition

Le président Emmanuel Macron aurait déclaré que ceux qui ont voté la censure devront s’en justifier devant les électeurs, et en assumer les conséquences négatives. Si c’est le cas, il sortirait clairement de son rôle, mais il est devenu coutumier du fait. Il s’agirait d’une deuxième salve, tirée après l’échec de la première qui devait dissuader une partie des députés de renverser le gouvernement de Michel Barnier, en annonçant un « shutdown » apocalyptique qui n’a pas eu lieu. Cette fois, c’est la loi de finances spéciale qui donne lieu à une nouvelle tentative de désinformation, toujours pour stigmatiser l’opposition.

Le principe de cette loi, permettant la continuité de l’état jusqu’au dénouement de la crise actuelle provoquée par le chef de l’état et sa dissolution de l’Assemblée nationale, n’est contesté par aucun des groupes représentés au Parlement. Toutefois, le président a choisi de l’appliquer a minima, en n’incluant pas dans le projet certaines dispositions faisant pourtant consensus, suivant ainsi un avis du Conseil d’État purement consultatif. C’est ainsi que les tranches de l’impôt sur le revenu ne seront pas revalorisées immédiatement pour suivre l’inflation, et que les mesures promises aux agriculteurs ne pourront pas entrer en vigueur immédiatement. Il s’agit à l’évidence de détourner le mécontentement paysan de la classe politique qui tente désespérément de se maintenir aux affaires malgré son échec patent et le désaveu électoral répété, sur des boucs émissaires chargés de tous ses propres péchés.

Il semble pourtant bien que cette propagande ne soit pas suivie d’effet. Le président espérait un écroulement du Rassemblement national, et c’est l’inverse qui se produit. Marine Le Pen recueillerait 38 % d’intentions de vote au premier tour d’une élection présidentielle éventuelle, en hausse de 3 points par rapport à septembre dernier, ce qui est énorme et très inquiétant, dans le cas où elle ne serait pas déclarée inéligible dans le procès sur les assistants au Parlement européen où elle est impliquée. Et pendant ce temps, un autre sondage montre que seuls 6 % des Français souhaiteraient que le nouveau Premier ministre, dont le nom doit être révélé aujourd’hui en principe, soit issu du camp présidentiel. Comment s’en étonner quand ce sont toujours les mêmes depuis la première élection d’Emmanuel Macron qui dégustent leur expresso en présentant l’addition aux Français et en essayant d’en faire porter la responsabilité sur les partis d’opposition ? Il est encore temps d’inverser la vapeur pour le président de la république en nommant un Premier ministre portant les valeurs de la gauche, mais il semble être devenu allergique à tout ce qui ressemble de près ou de loin à du progrès social.