Le chemin de Damas
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 11 décembre 2024 11:03
- Écrit par Claude Séné
Dans un raccourci saisissant comme seule l’Histoire sait en ménager, le parcours du nouveau maître de la Syrie, Abou Mouhamad al-Joulani, qui dirige les rebelles ayant pris le pouvoir et chassé le dictateur Bachar al-Assad, évoque irrésistiblement un lointain ancêtre, l’apôtre Paul, à l’origine de l’expression devenue populaire, de « suivre le chemin de Damas ». En effet, Paul, qui s’appelait alors Saül de Tarse, était en route vers Damas en venant de Jérusalem dans le but de rechercher et arrêter des disciples de Jésus, les premiers chrétiens, qui étaient persécutés. C’est alors qu’il aurait eu l’apparition de Jésus et se serait converti au christianisme.
Or, le parcours du chef militaire des rebelles qui vient de s’emparer du pouvoir à Damas se rapproche curieusement de celui de Paul. Comme lui, il a changé de nom depuis l’époque où il était proche d’Al-Qaïda et de Daech, notamment en Irak, où il a fait l’expérience de la célèbre prison américaine d’Abou Ghraïb. Il s’appelait auparavant Ahmed Hussein al-Chara. Depuis cette époque, il aurait abandonné le terrorisme et renoncé à l’idéologie djihadiste. Avec son groupe du Hayat Tahrir Al-Cham, HTS, il a gouverné la région d’Idlib en semblant respecter les minorités. Une vraie conversion apparemment, mais qui devra se traduire dans les actes du nouveau pouvoir qui a désigné un Premier ministre de transition en vue d’organiser le nouvel état syrien quand les conditions seront remplies. L’avancée fulgurante des troupes rebelles en l’absence de résistance de l’armée régulière a pris tout le monde de court, mais les réactions opportunistes se sont multipliées ces derniers jours, afin de profiter de la faiblesse de la Syrie encore très désorganisée.
Les Israéliens y ont vu l’occasion d’affaiblir encore plus leurs ennemis héréditaires en asseyant encore davantage leur occupation du Sud Liban et en réaffirmant leur « droit » sur le plateau du Golan dont Netanyahou prétend qu’il est partie intégrante du grand Israël « pour l’éternité ». Au passage, l’armée israélienne en a profité pour bombarder les stocks syriens d’armes, notamment chimiques, pour éviter qu’ils ne tombent aux mains de groupes pratiquant toujours le terrorisme. De son côté, le président turc Erdogan semble tenté de saisir l’occasion de se débarrasser des Kurdes qui contrôlent une partie de la Syrie et serviraient de bas arrière aux rebelles du PKK sur le territoire turc. Enfin, d’autres pays seraient soulagés de voir les Syriens qui leur demandent asile et protection retourner dans leur pays et débarrasser leur état de ce fardeau. C’est le cas notamment de l’Autriche, et peut-être bientôt l’Allemagne. C’est une évidence que les millions de Syriens qui ont subi une véritable déportation aspireront tôt ou tard à rentrer dans leur patrie, mais l’empressement de certains dirigeants cache mal des motivations plus égoïstes, si ce n’est une véritable attitude xénophobe, voire raciste.