Le fait majoritaire
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 4 décembre 2024 11:02
- Écrit par Claude Séné
Si, comme c’est très probable, la motion de censure déposée par la gauche et soutenue par le Rassemblement national est adoptée aujourd’hui, le gouvernement de Michel Barnier devra présenter sa démission au président de la République, qui reviendra à la case départ et cherchera un autre mouton à 5 pattes, acceptable pour une majorité de députés. Car la Constitution de 1958 qui a donné naissance à la 5e République est basée sur l’existence d’une majorité parlementaire soutenant l’action d’un Président de la République, dont la légitimité sera renforcée en 1962 par son élection au suffrage universel.
Taillée sur mesure pour un dirigeant d’exception, auréolé par la résistance à l’occupation nazie, elle a permis au général de Gaulle de régner sans partage pendant une bonne dizaine d’années, avec des députés acquis à sa cause en toutes circonstances. Puis la belle mécanique s’est un peu grippée, et les cactus ont commencé à fleurir dans le désert, permettant à une opposition interne, celle de Giscard d’Estaing, d’accéder au pouvoir. La nouvelle majorité remplaçant l’ancienne, le système fonctionnait toujours, bon an, mal an. Puis est venue l’alternance. Droite et gauche se succédaient au pouvoir, en s’appuyant toujours sur leur majorité. Dans certains cas, le Président et le Premier ministre n’étaient pas du même camp politique, mais ils acceptaient de cohabiter, ce qui sauvegardait le principe majoritaire et la continuité de l’état. Cette nécessité de fabriquer des majorités, associée à une loi électorale exigeant de présenter des candidatures de rassemblement dès le premier tour, n’est pas sans conséquences sur la vie politique. Pour accéder au pouvoir, la gauche de l’époque a été amenée à passer un accord connu comme « le programme commun », qui permettra à François Mitterrand d’être élu en 1981.
Ce fonctionnement démocratique présente l’avantage de la stabilité, mais il représente peu ou mal les minorités, et il exclut de fait une part importante de la population et des électeurs. L’idée d’une réforme introduisant une part de proportionnelle dans les différents scrutins a progressé et finira sans doute par s’imposer, notamment du fait d’une progression inéluctable du Rassemblement national. En voulant transcender les notions de droite et de gauche, Emmanuel Macron n’a réussi qu’à brouiller les cartes en mélangeant des valeurs opposées, sources de grande confusion. Il ne reste qu’un dénominateur commun, le soutien à un chef présidentiel, qui s’est, malheureusement pour lui, gravement démonétisé par ses décisions malheureuses, au premier rang desquelles la dissolution de l’Assemblée nationale qui a abouti à une chambre ingouvernable, comme aux plus beaux jours de la 4e république, la république des partis. Pour en sortir, faute de majorité, ne reste que la voie de la négociation, de l’accord entre les partenaires ou les adversaires comme dans les discussions sociales, un exercice auquel nos politiques sont peu rompus.