Vers la fin des niches ?
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 30 novembre 2024 10:49
- Écrit par Claude Séné
Ou comment vider un droit de sa substance ? La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié sensiblement la loi organique en définissant dans son article 48 les prérogatives respectives du gouvernement et des assemblées dans la fixation des ordres du jour pour le travail législatif. Il a en effet été institué une journée par mois pendant la durée de la session parlementaire, pendant laquelle les partis d’opposition ou minoritaires pourraient fixer l’ordre du jour des discussions sur lesquelles porterait le travail parlementaire. Pour souligner leur caractère exceptionnel, on leur a attribué le nom de niches parlementaires, ou parfois de séances d’initiative parlementaire.
Les propositions de loi qui y sont débattues sont soumises aux mêmes règles que les textes présentés par le gouvernement, qui garde la main sur la plupart des ordres du jour, à la différence essentielle que les séances de niches sont limitées dans le temps, que les lois y sont soumises à l’effet « Cendrillon » et doivent donc être adoptées avant les fatidiques douze coups de minuit. Pour empêcher un texte de passer, rien de plus facile. Il suffit de déposer un certain nombre d’amendements, sérieux ou farfelus, pour retarder les travaux et bloquer le vote. Le parti présidentiel a ainsi fait obstruction à la suppression des lois relatives au report du départ en retraite, mise à l’ordre du jour de la séance par la France Insoumise. Cette façon de procéder est justifiée par le pouvoir comme une réplique aux manœuvres similaires de l’opposition quand elle combat des lois injustes. À la différence près que le gouvernement peut écourter les débats en ayant recours à l’article 49.3 par exemple, ou les prolonger à sa guise. En procédant ainsi, le pouvoir démontre simplement qu’il renonce à débattre du fond, craignant de faire apparaitre au grand jour son incapacité à convaincre les citoyens de ses choix.
Si, parfois, les niches parlementaires sont utilisées principalement pour porter un sujet d’importance devant l’opinion, il arrive aussi que la proposition de loi émanant de l’opposition soit adoptée. C’est le cas de la loi inscrivant l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, rendant plus difficile son abrogation éventuelle. La proposition émanait de LFI, et a recueilli une majorité en 2022. C’est donc un droit fondamental, alors qu’il en existe assez peu qui soient effectifs, qui a été saboté par une fraction de l’hémicycle, pour masquer son impuissance à diriger le pays avec un gouvernement de bric et de broc, incapable d’emporter des votes « à la régulière », et minoritaire dans le pays sur beaucoup de sujets, dont celui des retraites, précisément. Cette attitude négative sonne le glas de ces « niches parlementaires », dont il faudrait élargir les prérogatives pour leur donner un rôle réel.