Mon royaume pour un cheval

En s’inspirant de la pièce de Shakespeare, Richard III, Michel Barnier est prêt à jeter son va-tout pour échapper à une censure qui apparait de plus en plus probable, voire inéluctable. L’opposition de gauche ne fait pas mystère de son intention ferme et définitive de déposer une motion contre le gouvernement dès que le Premier ministre aura matérialisé son recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget de l’état et celui de la Sécurité sociale, et le Rassemblement national laisse planer la menace de soutenir l’initiative attendue du Nouveau Front populaire, à moins que le gouvernement provisoire ne revoie sensiblement sa copie en tenant compte de ses désidératas.

Il n’aura pas fallu longtemps pour que Michel Barnier s’assoie sur tous les principes qu’il présentait comme intouchables jusqu’ici. Sans même discuter avec le RN et encore moins négocier un accord, il a « spontanément » renoncé à plusieurs mesures, dans l’espoir d’obtenir la neutralité bienveillante des amis de Marine Le Pen, qui lui permettrait de sauver sa place, ce qui est visiblement devenu son objectif numéro un. Au diable l’idéologie et la « danse du ventre » dont se rendraient coupables les autres dirigeants politiques. S’il est exact qu’il n’a sans doute pas d’ambitions pour une présidentielle encore lointaine, il semble vouloir s’accrocher à un siège qui serait un bâton de maréchal dans une longue carrière. Et pour y parvenir, il est prêt à tout lâcher. Les dirigeants du RN ne s’y sont pas trompés qui ont allongé leur liste de courses, sans s’engager en rien sur le vote final. Car Michel Barnier préfère devancer les exigences de l’extrême droite en leur accordant ce qu’ils veulent avant même qu’ils le lui aient demandé, pour ne pas être accusé de collusion avec l’ennemi.

Cette stratégie de « l’open bar », outre qu’elle sera très coûteuse, n’offre aucune garantie d’un éventuel renvoi d’ascenseur. Aucune contrepartie, aucun engagement de la part du RN, qui pourra tout à loisir refaire le même chantage à chaque échéance budgétaire en demandant toujours plus. Il faut dire que cela ne coûte pas cher au Premier ministre, qui fera payer les Français pour toutes les mesures dont il ne voulait pas entendre parler jusqu’ici. Car les décisions permettant de rendre un peu de pouvoir d’achat, comme une baisse de l’électricité, si elles sont appréciables, devront bien être compensées sous peine de devoir les payer par de la TVA, par exemple, puisqu’il n’est toujours pas question de faire payer les entreprises et les particuliers les plus riches. Quelques améliorations marginales n’empêcheront pas ce budget d’être foncièrement inégalitaire et de perpétuer les injustices sociales, voire de les aggraver.