Barnier ou le chaos ?

Plus le temps passe, et plus l’hypothèse d’une motion de censure déposée par l’opposition à la suite d’un projet de budget qui ne serait pas soutenu par une majorité de parlementaires, se profile à un horizon très proche. Le Premier ministre serait alors amené à invoquer l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter son budget sans vote, et ne pourrait espérer sa survie que si le Rassemblement national ne votait pas la censure, le contraignant à la démission. Or, Marine Le Pen a d’ores et déjà annoncé, après avoir rencontré Michel Barnier, qu’elle signerait « en l’état » la ou les motions de censure qui seraient déposées.

Cette hypothèse devenant de plus en plus crédible, la porte-parole du gouvernement s’est attachée à en dénoncer les conséquences apocalyptiques, dont la faute retomberait sur les opposants, n’hésitant pas à ressortir le vieux serpent de mer du risque d’un scénario « à la grecque ». Pour ceux qui l’auraient oublié, après la victoire électorale du parti Syriza, classé très à gauche de l’échiquier politique, son chef de file, Aléxis Tsipras, accède au poste de Premier ministre. Le gouvernement grec tente de faire passer des réformes progressistes alors que le pays est ruiné. Il sera contraint de se soumettre aux exigences de la Finance internationale, qui imposera une austérité sans précédent pour assainir la situation, aux dépens des Grecs eux-mêmes, qui ne s’en relèvent que très difficilement. Une telle situation est cependant très improbable, au vu des ressources intrinsèques de la France, qui continue à trouver des financements sur les marchés financiers à des taux sans commune mesure avec ceux qui étaient imposés à la Grèce. Il s’agit, bien évidemment, d’effrayer le bon peuple en brandissant un vieil épouvantail.

Et si Michel Barnier était contraint de démissionner, contrairement à ce que certains idéologues laissent croire, ce ne serait pas l’effondrement de l’état, qui ne pourrait pas lever l’impôt ou payer ses fonctionnaires, pas plus que les services publics ne seraient obligés de fermer. Contrairement aux États-Unis, une procédure exceptionnelle permet de reconduire les crédits par douzièmes chaque mois, en attendant de faire adopter un budget complet pour l’année. Encore faudrait-il que la caste macroniste qui continue à être sur-représentée dans les sphères du pouvoir accepte de reconnaître qu’elle a perdu les législatives, et qu’elle doit en tenir compte dans ses propositions, notamment budgétaires, en prenant en compte les demandes des Français, et pas seulement la fraction la plus aisée de la population. Emmanuel Macron s’apprête à faire diversion en mobilisant le parlement contre le projet d’accord entre l’Union européenne et le Mercosur. Il pourra peut-être se targuer d’avoir recueilli un vote unanime, mais dont la portée risque d’être totalement nulle.