J’l’ai pas vu, j’l’ai pas lu, mais j’ai entendu causer

Je ne suis pas un adepte des dîners en ville, ce qui tombe bien puisque les maitres et maitresses de cérémonie ne songeraient pas un instant à m’inviter, sauf pour un éventuel dîner de cons, dans lequel le plus bête ne serait peut-être pas celui qu’on croit. Je ne suis pas non plus de près les discussions de café du commerce popularisées par les amuseurs en chef du samedi soir, mais la polémique liée aux propos de Michel Onfray, ci-devant philosophe de gôche, est parvenue à mes oreilles, surtout grâce, ou à cause du soutien qu’ils ont suscité de la part de Marine Le Pen.

De quoi est-ce qu’on accuse t’on mon client ? comme aurait dit Luis Régo au bon vieux  temps du tribunal des flagrants délires. Oh ! Trois fois rien, une broutille. Le philosophe qui se dit libertaire, d’aucuns le pensent plutôt souverainiste, veut bien aider les réfugiés, mais. Tout comme le diable se niche dans les détails, ce qui ne l’empêche nullement de s’habiller en Prada, tout le venin est dans la queue, tout le fiel est dans ce mais. Car Michel Onfray soupçonne la société française de mieux traiter les malheureux venus d’ailleurs que les pauvres bien de chez nous, nos pauvres à nous, « made in France ». Il me semble avoir déjà entendu ça quelque part, à propos de la Corrèze et du Zambèze. C’est aussi, et surtout, pain bénit pour le Front national qui voit en lui l’occasion de s’offrir à bas prix une bonne conscience républicaine, une caution morale indiscutable pour justifier ses positions xénophobes et racistes, réclamer la fermeture des frontières et mettre sur le dos des migrants toutes les difficultés économiques de notre pays.

Ce serait déjà suffisant pour inciter un intellectuel patenté comme Michel Onfray à réfléchir à l’impact négatif que ses propos peuvent susciter dans l’opinion et peut-être à s’abstenir de proférer des avis pouvant prêter à confusion. Mais il ne s’en tient pas là. Il ne peut pas résister au plaisir de moucher un concurrent maladroit en la personne de Yann Moix, qu’il fait passer pour un mondain qui se réclamerait d’une oligarchie germanopratine. Il en profite pour remettre une couche en distribuant des mauvais points à tout ce microcosme dont il pense ne pas faire partie, au même titre qu’il est persuadé d’incarner la gauche authentique dont il serait le seul à défendre les vraies valeurs. Prônant l’abstention aux élections, il apporte de l’eau au moulin du slogan de « tous pourris » et devient un allié objectif de ceux qu’il prétend combattre. Pour relativiser un peu, rappelons que Michel Onfray a tenté de déboulonner Freud en 2010, mais que sa propre statue n’est pas encore venue à ce jour remplacer celle de Sigmund.

Commentaires  

#1 Daniau Jean 24-09-2015 22:31
Un temps, je me suis laissé séduire (en tout bien tout honneur) par Michel Onfray qui,à mon point de vue,avait engagé une bonne démarche en créant à Caen son Université populaire cadre de ses conférences empruntant des voies différentes de celles à l'honneur dans le Gotha philosophique de l'époque.
Sa laborieuse attaque contre Freud m'avait mis la puce à l'oreille car la descente flamme de Sigmud fondée sur le fait que la psychanalyse ne pouvait être que de la merde étant donné la vie dissolue et l'amoralité de son promoteur, me semblait suspecte car à ce compte-là, il n'y a plus qu'à mettre à la poubelle les oeuvres de Hugo, de Baudelaire, de Rimbaud et à rayer de la littérature "Le voyage au bout de l'enfer")
La sortie de saveur frontiste qu'il vient de balancer à propos des réfugiés m'ouvre définitivement l'esprit: ce mec-là n'est pas plus un philosophe pertinent que moi je serais un pilote de ligne talentueux.
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