Acquittator
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 18 septembre 2015 10:13
- Écrit par Claude Séné
C’est le surnom, mi moqueur, mi envieux, que l’on donne dans la profession au serial avocat Éric Dupont-Moretti, qui s’est fait une spécialité d’obtenir la relaxe de ses clients dans des affaires a priori très compliquées. C’est donc sans surprise qu’il a réclamé l’acquittement dans le procès de cette mère accusée du meurtre de sa fille de 8 ans lourdement handicapée. Les jurés ne l’ont pas suivi en condamnant Laurence Nait Kaoudjt à une peine de 5 ans de prison avec sursis, selon les réquisitions de l’avocat général. Une décision somme toute logique, puisque la défense ne contestait pas les faits, mais plaidait pour faire reconnaitre un « acte d’amour ».
À mon point de vue, cette argumentation s’est retournée contre la mère qui est apparue comme le deus ex machina qui se serait arrogé le droit de vie et de mort sur sa créature. « Je lui ai donné la vie, j’ai le droit de la lui reprendre », a-t-elle dit en substance. C’est ce qui explique sa colère à l’énoncé du jugement quand elle s’est plainte des jurés, incapables de comprendre le sens de son geste selon elle. Le jury populaire a cependant admis les difficultés morales de Laurence Nait Kaoudjt, qui élevait seule Méline et il n’a pas souhaité rajouter de la peine à la peine en décidant de la prison ferme. Il a seulement voulu rappeler que l’on ne peut pas se substituer à la loi en prononçant une condamnation de principe.
Nous sommes ici bien loin des questions morales soulevées par l’euthanasie ou le suicide assisté. Rien n’indique en effet que Méline a souhaité en finir avec la vie. Le désespoir de cette mère était certainement bien réel et l’on peut la comprendre tant la vie au quotidien avec un enfant handicapé peut se révéler difficile, voire insupportable. Là où la société ne peut pas la suivre, c’est lorsqu’elle décide d’entrainer sa fille dans un suicide commun sur lequel Méline ne peut pas se prononcer et dont elle ne l’informe pas. C’est lui dénier toute forme de libre arbitre et ne pas la considérer comme une personne à part entière, distincte de sa relation avec une mère toute puissante.
La réaction de Laurence Nait Kaoudjt, accusant les jurés de ne pas avoir de cœur, aura annihilé le capital de sympathie dont elle pouvait bénéficier en regard de sa souffrance. Elle a peut-être trop cru son avocat, qui a montré les limites d’une stratégie basée sur l’émotion.