Baroud d’honneur ?

La percée des troupes ukrainiennes dans la région frontalière de Koursk semble avoir pris de court le pouvoir russe, qui n’a rien vu venir, ou qui n’a pas pris au sérieux les renseignements qui auraient été adressés à l’état-major. Cette incursion dans le territoire de la Russie va bien au-delà des escarmouches permanentes sur le front de l’Est ukrainien, qui ont permis aux troupes russes de grignoter, village après village des fractions assez minimes, bien que réelles de l’Ukraine. Cette contre-offensive présente beaucoup d’avantages pour les Ukrainiens, même si elle ne peut évidemment pas inverser le cours de la guerre voulue par Vladimir Poutine.

Symboliquement, c’est un échec terrible pour l’autocrate russe, qui doit être mortifié de ce revers militaire démontrant la faiblesse relative de son armée, malgré une supériorité numérique en hommes et en armements. Car Poutine est en première ligne dans le viseur des babouchkas qui lui reprochent de ne pas avoir su empêcher leurs adversaires de leur faire subir ce que les Russes infligent quotidiennement aux Ukrainiens depuis la tentative d’annexion totale en 2022. Cette fois, ce sont les populations civiles russes qui sont obligées de fuir les bombardements et toutes les horreurs de la guerre. C’est d’ailleurs un des objectifs premiers de cette attaque. Faire comprendre aux Russes que le confort relatif de faire la guerre en territoire ennemi n’était pas acquis pour toujours. Ensuite, si Kiev n’espère pas envahir la Russie, beaucoup plus étendue que l’Ukraine, les conquêtes territoriales actuelles, si elles se confirment, pourraient servir de monnaie d’échange dans des négociations auxquelles Volodymyr Zelensky semble envisager de devoir se résoudre à plus ou moins long terme. La percée ukrainienne ne permettrait pas nécessairement de remporter une victoire militaire, mais pourrait contraindre Moscou à dégarnir le front du Donbass pour renforcer celui de Koursk.

Après l’échec de la contre-offensive massive de l’Ukraine, faute d’un approvisionnement suffisant des soutiens internationaux, ce succès, même s’il devait être sans lendemain, ouvre la perspective possible d’une paix qui ne pourrait se négocier qu’en position de force relative. Le sort de l’Ukraine se joue aux États-Unis. Si Donald Trump est élu, il se désengagera probablement de l’aide apportée pour soutenir l’allié ukrainien, et peut-être même de l’OTAN, comme il a déjà menacé de le faire. La communauté européenne n’est pas prête à prendre la relève, et notamment pas la France, malgré les déclarations d’intention du Président, qui aura déjà beaucoup de mal à faire voter un budget par une majorité introuvable, sans compter la nécessaire réalisation d’économies pour rester dans les clous de nos engagements. Une fois refermée la parenthèse des Jeux olympiques, l’atterrissage risque d’être brutal.