La roche Tarpéienne

Il n’y a pas si longtemps, les commentateurs de la vie politique américaine considéraient que le match pour la présidence des États-Unis était pratiquement plié. Donald Trump marchait littéralement sur l’eau après avoir échappé miraculeusement à un attentat. Il était bien aidé en cela par la baisse de régime de son adversaire, le président sortant Joe Biden, qui donnait une image désastreuse de ses capacités physiques et intellectuelles. Donald Trump surfait sur une vague apparemment irrésistible, ne se privant pas d’insister sur l’âge de son concurrent, qui ne lui rendait pourtant que 4 ans, et c’est lui qui se retrouve désormais sur la défensive, depuis que Kamala Harris a remplacé Joe Biden pour l’élection du 5 novembre prochain.

L’argument de l’âge se retourne contre Donald Trump, puisqu’il devient le plus vieux candidat à l’élection présidentielle avec ses 78 ans quand Kamala Harris en a 59. Il ne lui reste plus qu’à attaquer sa rivale sur son incompétence supposée et son manque d’intelligence, sans chercher à en apporter la moindre preuve. C’est un peu la règle de cette élection, où les coups bas ne sont pas interdits, voire encouragés. On peut, et l’on doit, dénigrer son ou ses concurrents dans des clips de campagne s’apparentant à des spots publicitaires bas de gamme où l’on accuse ses rivaux de tous les maux, passés, présents et à venir. L’argument massue reste encore et toujours l’accusation de sympathie envers « les rouges ». Autrefois, on les traitait de « communistes », ce qui était à la limite de la haute trahison du temps de la guerre froide. De nos jours, ils se font qualifier de « gauchistes » ou d’extrémistes. Tous les coups sont permis. Donald Trump prétend sans sourciller que Kamala Harris, entre autres turpitudes, tue de sang-froid les bébés, y compris après la naissance.

Ces outrances démontrent que Donald Trump craint désormais d’être battu. Lui, qui a essayé de prendre d’assaut le Capitole, le siège du pouvoir à Washington qui a pris le même nom que son homologue romain, pourrait subir métaphoriquement le sort réservé aux condamnés à mort de la Rome antique, que l’on précipitait du haut de la roche Tarpéienne. C’est ce qui amènera Mirabeau à utiliser l’expression selon laquelle « il est peu de distance du Capitole à la Roche Tarpéienne » pour exprimer la versatilité de la popularité. Il serait cependant prématuré pour les démocrates de crier victoire, notamment en raison du mode de scrutin en vigueur outre atlantique. Si Kamala Harris semble en passe de pouvoir remporter la majorité du vote populaire, cela n’est pas suffisant. Tout dépend du résultat de quelques états hésitants, qui balancent entre les deux grands partis. Les fiefs de chaque camp, démocrate ou républicain, restent stables et se neutralisent. Il faut donc convaincre les électeurs dont le vote n’est pas acquis par avance. Pour cela, on attend beaucoup des débats dont le premier aura lieu dès le 10 septembre.