Trompe-l’œil

Les résultats des élections législatives au Royaume-Uni, avec la victoire historique des travaillistes, écartés du pouvoir depuis 14 ans, pourraient donner du baume au cœur des progressistes de toutes nationalités, confrontés à une montée continue de l’extrême droite dans la plupart des pays développés. Accessoirement, on pourrait aussi y voir la reconnaissance du désastre amené par le Brexit pour la situation économique de la Grande-Bretagne, malgré les mensonges tenaces et éhontés des partisans du « leave » et les difficultés éprouvées par la population. Si la lourde défaite des conservateurs est actée, la percée du parti « Reform UK », qui a pris la succession du « Brexit party » a de quoi inquiéter.

Le leader de cette formation, Nigel Farage, a été l’un des principaux artisans du bourrage de crâne qui a finalement abouti à l’adoption du départ de l’Angleterre. Il a multiplié les mensonges en promettant des dépenses intenables avec des crédits obtenus par la « récupération » des budgets versés à l’Union européenne ; très largement surévalués. La situation réelle du pays n’a cessé de s’empirer et Nigel Farage a réussi le tour de force de détourner l’attention de ses propres responsabilités, en se posant comme adversaire de l’establishment. Il fait lui-même pour la première fois son entrée à la chambre des députés, accompagné d’une dizaine de ses fidèles. C’est peu, mais leur pouvoir de nuisance n’est pas négligeable si l’on considère que les électeurs n’ont pas l’air de faire grief des turpitudes passées à ce parti populiste et démagogique, qui nous en rappelle un autre, plus proche de nous, géographiquement.

Cette large victoire des travaillistes, incontestable, s’est opérée à la faveur d’une évolution du parti du « labour » et la mise à l’écart de sa figure emblématique, Jeremy Corbyn, jugé trop clivant par certains cadres, mais qui avait permis d’incarner une opposition résolue aux différents leaders conservateurs qui se sont succédé au 10 Downing street, dont la popularité s’est érodée au fil du temps, jusqu’à ce que le dernier d’entre eux, Rishi Sunak, se décide à convoquer des législatives anticipées, dans l’espoir, lui aussi, de mettre fin au déclin de sa formation, avec ce résultat décevant pour lui. Tant et si bien que malgré la majorité très large obtenue par le nouveau Premier ministre, Kier Starmer, il s’est bien gardé de tout triomphalisme et il a prévenu que les temps seraient difficiles, sans aller jusqu’à promettre « du sang et des larmes » comme son lointain prédécesseur, Winston Churchill. Il aura fort à faire pour redresser la situation économique et remettre en état de marche des services publics sinistrés. Il est probable qu’il en fera sa priorité, ce qui risque, à terme, d’entamer le capital de confiance dont il devrait bénéficier au départ.