Le poids des mots
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 3 juillet 2024 10:39
- Écrit par Claude Séné
On connaissait déjà l’expression « être démissionné », une périphrase qui exprime assez clairement une situation telle que celle du Premier ministre actuel en poste au moins jusqu’au deuxième tour des élections législatives. Selon la tradition, Gabriel Attal devrait remettre sa démission au Président de la République après avoir constaté qu’il ne pouvait pas obtenir la confiance de l’Assemblée nationale, ce qui est désormais une certitude, bien que l’élection n’a pas encore eu lieu. Emmanuel Macron reste libre de l’accepter ou de la refuser, et peut même l’accepter et le renommer, en le chargeant de constituer un nouveau gouvernement. Mais le plus probable, c’est qu’il appelle un représentant du parti le plus nombreux pour lui proposer de devenir son Premier ministre de cohabitation, en l’occurrence Jordan Bardella.
Le Rassemblement national se réserve le droit de refuser cette nomination s’il ne dispose pas d’une majorité suffisante, autour de 289 sièges, pour appliquer le programme qu’il souhaite mettre en place, quitte à débaucher individuellement les quelques députés qui lui manqueraient, en prenant le risque d’être censuré dès le premier vote du budget et devoir à son tour démissionner, ce qui provoquerait une crise d’état, dans la mesure où le Président ne pourrait pas dissoudre à nouveau l’Assemblée avant un délai d’un an, sans garantie d’un vote dégageant une majorité claire, quelle qu’elle soit. Devant un tel désaveu, imputable sans ambiguïté à sa décision hasardeuse de dissolution, le président pourrait être tenté de démissionner lui-même, avec un possible succès anticipé de Marine Le Pen, qui disposerait alors de presque tous les leviers du pouvoir. Toutes ces démissions envisageables dans la situation désastreuse que le Président a créée de toutes pièces pour satisfaire sa mégalomanie, sont tout sauf volontaires et encore moins spontanées.
Devant la menace représentée par l’accession de l’extrême droite au pouvoir, les partis du nouveau Front populaire ont décidé de retirer leurs candidats partout où leur maintien pourrait faire élire un député RN, sans demander de contrepartie, l’expérience prouvant que la droite ne tient pas ce genre de promesse. Quant à l’ancienne majorité présidentielle, elle répète à qui veut l’entendre que sa position est « claire » alors qu’il faut la lire entre les lignes, et selon qui l’énonce. Gabriel Attal pour sa part a forgé un néologisme qui exprime bien le flou artistique de son mouvement en déclarant qu’ils avaient désisté leurs candidats pour faire barrage au RN. On ne saurait mieux exprimer une conception autoritaire et verticale de la démocratie, où les chefs décident (comme le disait Chirac, « un chef est là pour cheffer ») et les subordonnés obéissent.