Appelons un chat un chat

Depuis que Marine Le Pen en a pris le contrôle, elle n’a eu de cesse de tenter de gommer les aspérités du Rassemblement national afin de faire oublier qu’il est l’héritier du Front national, fondé par son propre père avec le soutien de collaborateurs notoires tels que Pierre Bousquet et Léon Gaultier, tous deux engagés volontaires dans la Waffen-SS. Elle réfute en particulier l’étiquette d’extrême droite, qu’elle semble reconnaître infamante, à juste titre, et dont elle ne pourra pas, à mon avis, se détacher, compte tenu des prises de position de son parti, jusque et y compris dans la campagne actuelle.

Le RN a bâti son argumentaire autour de la « préférence nationale », qui n’est rien d’autre qu’une forme de racisme à peine déguisé, et qui pourrait tomber sous le coup de la loi, ou, à tout le moins, mener à un rejet de ses dispositions par le Conseil constitutionnel. Qu’à cela ne tienne, le RN serait prêt à changer la constitution pour mettre en place des mesures démagogiques telles que l’interdiction de certaines professions, ou certains postes aux Français binationaux, qui sont clairement exclus par les idéologues qui aspirent à nous gouverner. Et l’on ne pourrait même pas dénoncer de telles pratiques ? Le RN a d’ailleurs reçu récemment un soutien que je n’avais pas vu venir sur ce sujet en la personne du journaliste et homme politique Périco Légasse qui a dédouané ceux qui sont supposés être ses adversaires, en minorant leurs positions sur BFMTV, qualifiées de xénophobes, peut-être, mais pas racistes. Un distinguo loin d’être établi, mais qui s’explique par son histoire personnelle lorsqu’il soutenait Dupont-Aignan avant de faire allégeance à la coalition gouvernementale en passe de se dissoudre, elle aussi.

Le prix de l’hypocrisie revient cependant à l’ancien présentateur du JT de France 2, David Pujadas, qui préfère utiliser la formule « ce qu’on appelle extrême droite » pour éviter de se mouiller. De son côté Apolinne de Malherbe, qui présente la matinale de RMC, veut étendre l’opprobre aux partis soi-disant d’extrême gauche, un amalgame lui permettant de se poser en surplomb en se décernant un brevet immérité d’objectivité. L’honneur journalistique a été sauvé par Yaël Goosz, éditorialiste à France Inter, qui se fie au Conseil d’État, saisi par le RN et qui a tranché en mars dernier en validant la nature du parti lepéniste comme étant d’extrême droite, et en classant LFI à gauche et non à l’extrême gauche de l’échiquier politique. Derrière ces querelles d’appellation, qui peuvent passer pour subalternes, se joue une partie de l’issue du deuxième tour des législatives, comme en témoignent les microtrottoirs dans lesquels certains électeurs reprennent mot pour mot les arguments de politiques de mauvaise foi diabolisant la gauche qualifiée d’extrême sur des bases calomnieuses. N’oublions pas non plus la phrase d’Albert Camus, rappelée par la journaliste Salhia Brakhlia : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. »