Humiliation

C’est, parait-il, ce qu’ont ressenti les fonctionnaires de police du 36 quai des Orfèvres quand on les a soumis à un prélèvement de leurs empreintes génétiques dans le but d’identifier l’ADN d’un des violeurs présumés de cette Canadienne en avril 2014. Par la voix de leurs syndicats, tout en reconnaissant que cette démarche est logique, ils contestent la manière dont elle a été médiatisée, faisant porter, selon eux, une suspicion sur l’ensemble de la profession, sans considération pour leur dignité alors qu’ils sont présumés innocents, jusqu’à preuve du contraire.

Personnellement, je trouve plutôt sain que des policiers soient confrontés à la situation qu’ils font vivre quotidiennement à des dizaines de citoyens, tout aussi respectables qu’eux a priori, au nom d’une présomption d’innocence rarement respectée sur le fond, sinon sur la forme. De la même façon, il ne serait pas inutile que les architectes vivent quelque temps dans les immeubles qu’ils font construire, que les chirurgiens se fassent opérer ou que les enseignants retournent à l’école en qualité d’élèves, histoire de voir un peu ce qui se passe de l’autre côté de la barrière. Peut-être que ces policiers seront plus attentifs au respect de la personne humaine, y compris quand ils ont de fortes raisons de soupçonner un comportement délictueux ou criminel. Leur fierté a été atteinte par ce qu’ils considèrent comme une mise en accusation, alors qu’ils pourraient au contraire juger que ce test ADN est une chance extraordinaire de faire la preuve de leur innocence, quand il est refusé à certains condamnés à tort aux USA.

C’est le moment de ressortir l’argument massue des autorités qu’ils représentent : « si vous n’avez rien à vous reprocher, vous ne risquez rien ! » Mais peut-être sont-ils prêts à épouser les thèses des opposants au fichage dès l’instant où ils sont concernés. Nombreux sont les activistes condamnés pour avoir refusé de se prêter au prélèvement de leurs empreintes génétiques après des actions militantes, au nom de la défense des libertés individuelles, ce qui est un délit en France, punissable d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Reste à savoir si cette suspicion est légitime. Évidemment oui. Les policiers ne sont pas des surhommes. Ils sont même exposés à plus de tentations qu’un individu lambda, du fait de la parcelle d’autorité qu’ils détiennent. Il est donc nécessaire de leur appliquer les règles qu’ils sont chargés de faire respecter.