Vous avez quatre heures
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 18 juin 2024 10:59
- Écrit par Claude Séné
Je dois tirer mon chapeau aux rédacteurs des sujets de l’épreuve de philosophie au baccalauréat qui ont réussi à glisser parmi les trois thèmes proposés à la réflexion des candidats, une question dont l’actualité brûlante ne vous aura pas échappé et dont la formulation lapidaire laisse libre-cours à toute l’inventivité dont on peut faire preuve à l’âge des impétrants : « l’état nous doit-il quelque chose ? ». Même avec une boule de cristal, les professeurs chargés de pondre des questions ne pouvaient évidemment pas se douter que le président de la République prononcerait une dissolution de l’Assemblée nationale juste avant les épreuves.
Bien entendu, si ce sujet ne vous inspire pas, vous pouvez vous rabattre sur l’autre thème de dissertation, tout aussi porteur de développements en lien avec la période : « la science peut-elle satisfaire notre besoin de vérité ? », ou, en désespoir de cause, sur le commentaire composé d’un texte de Simone Weil sur la Condition ouvrière. Mais revenons à ce premier sujet, sur lequel planchent à l’heure où j’écris une bonne partie des candidats. Dans de telles circonstances, ces quatre heures peuvent apparaître comme très longues si l’inspiration première qui vous a fait choisir ce thème vient à manquer, ou au contraire trop courtes tant la matière est abondante et que l’on risque d’en oublier l’essentiel. Si 4 heures vous paraissent très vite passées, songez aux candidats à la députation qui n’ont eu que 4 jours pour bâtir un programme de législature, trouver des alliés, obtenir leur investiture de la part de leur formation politique, et traduire cela dans un matériel électoral fabriqué par des imprimeurs débordés. Tout ça pour satisfaire les caprices et la dernière lubie d’un président qui sent venir la fin de son règne.
Pour Emmanuel Macron, il semble clair qu’il considère que l’état lui doit tout, en bon monarque républicain absolu qu’il est. Que dis-je, l’état, c’est lui, et son bon plaisir passe avant toute chose. Pour le reste, il paraphraserait volontiers la formule de John Fitzgerald Kennedy, qui invitait ses administrés à se demander ce qu’ils pouvaient faire pour leur pays et non l’inverse. De ce point de vue, Emmanuel Macron est un libéral pur sucre, qui considère que les gens qui ne travaillent pas sont des parasites à qui il faut apprendre à traverser la rue et se retrousser les manches. Que ce soit sur le sujet des retraites ou celui du chômage, sa religion est faite : tout le monde au boulot et les vaches seront bien gardées. Il aurait pu faire sienne la formule de Winston Churchill en 1940, qui ne voulait promettre que « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». Nous ne sommes plus dans le contexte de la guerre contre le nazisme, mais, par son discours, il ouvre la voie à son succédané : le Rassemblement national.