L’injuste milieu
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 19 juin 2024 11:22
- Écrit par Claude Séné
La « sagesse populaire », qui n’a parfois de sagesse et de populaire que le nom, voudrait que la tempérance soit la pierre de touche par excellence de la vertu, celle qui se tient à équidistance des excès, tenus pour le mal absolu. Le raisonnement, appliqué à la politique, voudrait donc que l’on se tienne éloigné des positions extrêmes, et que cela constitue l’alpha et l’oméga de toute réflexion. C’est une forme de paresse intellectuelle que de se dispenser ainsi de penser par soi-même et de se fier uniquement à la personne qui défend le point de vue pour se forger une conviction.
C’est pourtant exactement ce à quoi l’actuel Président de la République nous invite en prétendant que les idées de ce qu’il appelle les extrêmes sont également nocives et qu’il convient donc de les rejeter sans autre forme de procès, au profit d’une position médiane, dont il serait, quelle surprise, le seul et unique représentant. Tout son parcours personnel a été basé sur cette théorie, qui constitue une forme d’escroquerie au vu de ses actes et de la politique antisociale qu’il a imposée à tous les Français au travers de pseudo-réformes contraires à leurs intérêts réels. Emmanuel Macron s’appuie sur une idée reçue, popularisée par le philosophe grec Aristophane en son temps, que l’on peut résumer par l’expression « juste milieu ». Elle est bien illustrée dans le conte pour enfants, « Boucles d’or et les trois ours », où la petite fille égarée dans la forêt essaie tour à tour la nourriture, ni trop chaude ni trop froide, un fauteuil ni trop dur ni trop moelleux, et un lit juste à sa taille. Cette position, souvent qualifiée de « ni ni » sert en général à masquer des orientations néfastes. En renvoyant dos à dos rétrogrades et progressistes, elle permet de maintenir les injustices les plus criantes.
Car il existe des valeurs, qui, à mon sens, ne peuvent pas être discréditées par leur supposé excès. Par exemple, il ne peut pas y avoir trop de droits de l’homme ni trop de justice sociale. Pas plus que trop de liberté, trop d’égalité ou de fraternité. Ces notions échappent par essence à une analyse quantitative. Elles existent, sont respectées, ou au contraire manquent à l’appel. Allez parler à un esclave de mesurettes sur de petits espaces de liberté. Et cependant, faute d’une société parfaitement égalitaire, il faut défendre pied à pied les conquêtes sociales, chèrement et durement conquises par les générations qui nous ont précédés. Comment peut-on justifier les écarts abyssaux de salaire et de revenu dans les entreprises multinationales, quand on accorde des privilèges exorbitants à certains dirigeants en raison de leurs résultats quand ils sont favorables et qu’on ne leur demande pas un centime quand le scandale des airbags défectueux va peut-être pénaliser l’ensemble des travailleurs qui créent la richesse ?