Vers une paix américaine ?

Américaine ou pas, toute initiative qui permet d’envisager la cessation des hostilités dans la région de Gaza est déjà en elle-même une bonne nouvelle après ces 8 mois de guerre qui ont causé des victimes par dizaines de milliers et des dégâts considérables. J’emploie cette expression de paix américaine à dessein, pour deux raisons. La première fait référence à la technique dite de la « nuit américaine » grâce à laquelle il est possible de filmer ou de photographier une scène en plein jour puis de lui appliquer un traitement faisant croire au spectateur qu’elle a été tournée de nuit.

En effet, le plan de paix supposé émaner de la partie israélienne a été présenté comme tel par le président américain, Joe Biden, et soumis au Hamas comme une proposition du gouvernement israélien. Il faut rapprocher cette proposition des déclarations du Premier ministre Netanyahou qui maintient mordicus que le combat se poursuivra jusqu’à pleine exécution des objectifs de guerre, qui sont la libération des otages et l’éradication des militants du Hamas. Interviewé par LCI, alors que le projet devait déjà être en cours d’élaboration, il maintenait cette position, pourtant intenable. Si la première étape, cessez-le-feu de 6 semaines pendant lequel les belligérants négocient la libération des otages survivants et la remise des dépouilles des otages malheureusement morts en échange de la remise en liberté de prisonniers palestiniens fait partie des procédures classiques et relativement bien rodées de part et d’autre, l’élimination des militants palestiniens, et plus encore de l’idéologie qui les anime est une tâche impossible. Israël ne peut espérer de paix réelle et durable qu’en négociant avec ses ennemis actuels des relations d’état à état. L’extermination physique de ses adversaires n’a réussi qu’à susciter la haine et la rancune en fabriquant toujours plus de martyrs, réels ou qui se considèrent comme tels.

La deuxième référence à laquelle je fais allusion, c’est celle de la « paix romaine ». Au temps de sa splendeur, l’Empire romain a bénéficié de la paix intérieure, moyennant quelques guerres menées dans ses confins. La supériorité de l’armée romaine était telle que seules des invasions barbares pouvaient en avoir raison. La clé de la paix entre Israéliens et Palestiniens pourrait bien se trouver à la Maison-Blanche, qui s’est bornée à des mises en garde et des appels à la modération jusqu’ici. La contestation dans les universités américaines et dans les opinions publiques occidentales a peut-être triomphé de la prudence du Président américain avec le risque de perdre le vote progressiste aux présidentielles du 5 novembre prochain. Si l’armée israélienne est, toutes proportions gardées, comparable à celle de l’Empire romain, elle est totalement dépendante de l’approvisionnement constant de son mentor américain qui lui fournit armes, matériel, munitions, formation et renseignement, sans lesquels elle ne tiendrait pas longtemps. Le reste est une question de politique.