Tuer quelqu’un pour voir

Le geste de cet élève de 18 ans qui a tenté de poignarder sa professeure d’anglais dans un lycée tranquille du Maine-et-Loire lundi dernier reste largement inexpliqué, sinon inexplicable. Pour essayer de comprendre ce qui s’est passé, les enquêteurs devront probablement d’abord définir ce que cette agression n’est pas. Il ne s’agit apparemment pas d’un différend entre l’élève et ce professeur en particulier. Sans l’absence fortuite du professeur en première heure de cours, c’est lui qui aurait été visé. La prof n’était pas ciblée personnellement, mais ne faisait pas partie non plus de ceux « qu’il aimait bien ». Il voulait pourtant s’en prendre spécifiquement à un enseignant.

Il ne s’agirait pas non plus d’un exemple de « harcèlement scolaire », même s’il a déclaré pouvoir être très rancunier. Il était inconnu de la police, ce n’était pas un « loubard de banlieue ». Le couteau, il l’avait acheté spécialement pour l’occasion, et il n’a réussi à blesser l’enseignante qu’au visage, sans toucher d’organe vital, probablement par inexpérience. En l’absence de mobile précis à ce stade de l’enquête, on est forcément tenté d’interroger la santé mentale du lycéen. Il faudra attendre l’expertise psychiatrique, qui n’a pas été effectuée pendant sa garde à vue, pour en savoir davantage sur la personnalité et la pathologie éventuelle du jeune homme, dont les déclarations ne permettent pas pour le moment de comprendre les motivations précises de ce passage à l’acte. La piste terroriste ou religieuse est également écartée à ce niveau de l’enquête. Selon ses dires, il voulait bel et bien tuer quelqu’un, « pour voir ce que c’était », et apparemment aussi pour faire parler de lui. Après avoir échoué à blesser sérieusement l’enseignante, il a tenté de s’en prendre à deux élèves, en vain.

Peut-être plus important, il a indiqué souhaiter « mettre fin à une pression qu’il ressentait » sans en préciser la nature et les causes. La mère du lycéen semble dépassée par une situation inattendue, mais curieusement, elle ne la dramatise pas, voire elle la banalise, alors que les faits sont quand même très graves. Le milieu enseignant réagit évidemment à cette nouvelle manifestation d’une violence endémique dans l’institution scolaire. On s’est habitué aux faits-divers touchant les zones sensibles principalement dans les quartiers périphériques des grandes villes, rappelant le « far West », courants aux États-Unis, mais le phénomène gagne progressivement les campagnes et les petites villes relativement épargnées jusqu’ici. Par chance, le sang-froid de l’enseignante et la saine réaction des élèves ont permis d’éviter le pire, mais le risque demeure.