Démocratie formelle

Bien sûr, la situation de la France d’un point de vue démocratique est assez éloignée de celle que nous vivions dans les années 60 quand François Mitterrand publiait son essai intitulé « le coup d’état permanent », dans lequel il dénonçait la tentation du général de Gaulle d’exercer le pouvoir de façon solitaire et personnelle. Nous n’en sommes pourtant pas si éloignés, bien que les formes soient respectées, et que la démocratie s’exerce globalement dans le cadre prévu par la Constitution. J’en prendrai deux exemples parmi d’autres, la gestion de la situation en Nouvelle-Calédonie, et le cheminement législatif de la loi sur la fin de vie.

Confronté à une situation explosive dans le territoire ultramarin, où plusieurs légitimités se font face, Emmanuel Macron a indiqué ne pas vouloir « passer en force », tout en brandissant comme une menace la possibilité de recourir à un référendum national pour trancher la question de l’élargissement du corps électoral. C’est typique du personnage. Il a utilisé la même technique sur la gestion des allocations de chômage : faute d’un accord rendu impossible par ses soins, le gouvernement et donc l’état reprendra la main et imposera ses « solutions ». Prétendre mettre d’accord les Calédoniens par un vote acquis à 17 000 km de là, par des électeurs peu ou mal informés relève de la gageure pure et simple. On le sait, un référendum se transformerait inéluctablement en plébiscite pour ou contre le président, et c’est précisément ce qu’il veut, bien que les risques en soient évidents. « Qu’ils viennent me chercher », avait-il lancé, bravache, pendant la crise des gilets jaunes.

On pourrait espérer que si l’exécutif commet des erreurs, le pouvoir législatif quant à lui dispose du temps nécessaire à la mise en œuvre d’une politique conforme à l’intérêt de la majorité des Français. Si l’on met de côté les textes budgétaires, dont le vote est contraint puisqu’il définit l’appartenance à un camp, celui du pouvoir, ou celui de l’opposition, les deux assemblées peuvent aborder des sujets dits « de société », où chaque député ou sénateur peut se prononcer « en son âme et conscience » sans être tenu par une discipline de vote. La loi sur la fin de vie entre dans cette catégorie, mais le « jeu » est biaisé. L’ordre du jour est fixé principalement par le gouvernement et les lois présentées ou approuvées par lui, sont prioritaires. En théorie, les dispositions initiales peuvent être modifiées ou amendées par des textes alternatifs. En pratique, le gouvernement peut accepter des amendements ou s’y opposer. Concernant la fin de vie, le processus est encore long avant un vote éventuel en séance plénière et solennelle qui pourrait avoir lieu en 2025, mais tout porte à croire que le texte définitif sera conforme au projet déposé par la ministre, et que la montagne démocratique accouchera une nouvelle fois d’une réformette.