Donner du temps au temps
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 25 mai 2024 09:48
- Écrit par Claude Séné
En première analyse, je serais tenté de penser que le déplacement du Président de la République en Nouvelle-Calédonie, bien que très attendu et nécessaire, aura été un coup pour rien. Si l’objectif était de réunir les parties prenantes autour d’une table de négociation pour parvenir à un accord sur l’avenir de l’archipel, et notamment la définition du corps électoral appelé à s’exprimer, le résultat est évidemment négatif. Tout au plus, Emmanuel Macron a pu s’entretenir avec les représentants des factions en présence, et affirmer son souhait d’un retour à l’ordre républicain. On n’en attendait pas moins, mais c’est loin d’être suffisant.
La seule concession sur le cœur de la réforme votée en métropole et qui doit être ratifiée en congrès, c’est un engagement présidentiel de « ne pas passer en force », et c’est très important. Il est question de quelques semaines de consultations, mais aucune date butoir ne semble avoir été définie. Ce serait peut-être l’occasion de redonner vigueur à une expression utilisée par François Mitterrand en son temps, et qui a donné lieu à interprétations : il faut donner du temps au temps. La situation locale, avec son lot de barrages contradictoires, d’atteintes aux biens et même aux personnes avec une 7e victime au cours de heurts entre manifestants et la police, n’est d’évidence pas propice à une réflexion sereine sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Sans aller jusqu’à la caricature représentée par une autre formule, celle du politicien Henri Queuille, qui affirmait qu’il n’y a pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par faire disparaître, la recherche du moment opportun mérite généralement que l’on y sacrifie un peu de temps. Le gouvernement est d’ailleurs passé maître à ce petit jeu, si l’on en juge par les atermoiements et les manœuvres dilatoires qui lui ont permis de différer jusqu’à plus ample informé toutes les mesures annoncées en faveur des agriculteurs depuis le coup de chaud des manifestations paysannes qui ont culminé au salon de l’agriculture en février-mars de cette année.
Malgré une situation bloquée en apparence sur des positions irréconciliables, il existe un espace de négociation. La plupart des Calédoniens semblent s’accorder sur la fin du processus instauré par les accords de Nouméa et la nécessité de redéfinir un cadre global pour permettre un développement de l’archipel qui tienne compte de l’existence de populations d’origines diverses. Le fait de ne pas entériner purement et simplement un texte élaboré en métropole sur une base technocratique est déjà un espoir de permettre une sortie de crise. Le piquant de l’affaire, c’est que l’expression donner du temps au temps vient du Don Quichotte de Cervantès, et irait donc comme un gant à Emmanuel Macron, digne représentant moderne de la lutte contre les moulins à vent.