La raison du plus fort

L’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont annoncé conjointement leur reconnaissance de l’état de Palestine, portant à 142 sur 193 le nombre de pays membres de l’ONU qui ont déjà franchi le pas, auquel devrait se joindre prochainement la Slovénie, mais pas la France, qui soutient cependant une solution à deux états pour régler le conflit israélo-palestinien. La logique voudrait que nous commencions par reconnaitre l’état Palestinien, et son droit à vivre en paix avec son voisin, dans des frontières sûres et reconnues, de part et d’autre. Si la diplomatie française est favorable sur le principe à cette reconnaissance, elle estimerait que « ce n’est pas le moment ».

Les partisans de la paix ne peuvent que s’interroger sur notre politique d’évitement de ce qui semble un préalable indispensable à des discussions constructives. Les dirigeants israéliens n’ont pas manqué de critiquer sévèrement les pays en question, démontrant s’il en était besoin qu’ils se refusent à faire un premier pas vers la négociation d’un accord de paix, considérant qu’ils n’ont pas d’interlocuteurs crédibles avec lesquels discuter. La logique de cette position est naturellement le maintien d’un statu quo, voire l’aggravation du fait accompli avec le développement de colonies de peuplement. Selon le droit international, rappelé par un expert hier, pour être un état susceptible d’être reconnu, plusieurs conditions doivent être remplies. Constituer un peuple à part entière, disposer d’un territoire sur lequel on exerce pleinement son autorité, et être capable de gérer ses frontières extérieures en seraient les principales. Et ce sont précisément les points contestés par les Israéliens, qu’ils contribuent largement à empêcher par leur politique. En réponse aux gestes forts des trois pays européens reconnaissant l’état Palestinien, le gouvernement israélien oppose le fait de verser « une prime au terrorisme », négligeant au passage la disproportion de victimes civiles des deux côtés.

On ne peut faire la paix qu’avec ses ennemis. Après les avoir mis en valeur et favorisés de fait, Netanyahou tente de les diaboliser en contestant leurs droits à exercer une quelconque souveraineté dans la région, opposant le fonctionnement démocratique d’Israël à l’arbitraire du mouvement Hamas, soutenu par un Iran sous un régime théocratique. Jusqu’ici, Netanyahou a réussi son pari de conserver le pouvoir en prônant l’union sacrée et en maintenant la bande de Gaza sous une tutelle de fer et une destruction massive des immeubles et des infrastructures, mais cela ne pourra pas durer éternellement, surtout si l’allié américain traîne les pieds pour les livraisons militaires. Ce serait sans doute le seul moyen de faire entendre raison à un nouveau gouvernement, qui ne connait que le rapport de forces, et ne semble pas prêt à relancer un processus de paix, même à moyen ou long terme.