L’œil du cyclone
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 22 mai 2024 11:00
- Écrit par Claude Séné
Pendant que le président de la République vole au chevet de sa belle province calédonienne en proie à des troubles inédits depuis la fin des années 80 du siècle dernier, en compagnie de trois de ses ministres, un semblant de retour au calme précaire a l’air d’être rétabli dans l’archipel, où l’état d’urgence est toujours en place, au moins jusqu’à lundi. Emmanuel Macron a décidé de se rendre en personne sur le terrain, officialisant ainsi un aveu d’échec des autorités chargées jusqu’ici de gérer la crise et une situation presque insurrectionnelle. C’est un geste symbolique qui arrive après la bataille pour partie, et peut-être trop tôt pour esquisser une sortie acceptable pour les parties en présence.
Un flou plus qu’artistique entoure d’ailleurs cette démarche présidentielle, qui doit officiellement permettre l’installation d’une « mission ». Le terme n’est sûrement pas choisi au hasard, et il suggère au moins deux interprétations. Tel l’empereur Charlemagne, peut-être nommera-t-il un ou plusieurs « missi dominici », chargés de le représenter et de faire appliquer ses décisions après son départ. Ou alors, faut-il considérer que pour le président, l’outremer doit être assimilé à une « terre de mission », dans laquelle ses envoyés, les missionnaires, auraient pour tâche principale d’évangéliser les populations locales, en les abreuvant du bréviaire macroniste, déjà largement répandu dans la métropole hexagonale, même si les sondages prédisent une déroute aux Européennes. La durée du vol devrait laisser le temps au président de peaufiner son discours et de réfléchir à des propositions suffisamment ouvertes pour laisser une chance à un processus de véritables négociations, tenant compte des réalités du terrain. Si Emmanuel Macron arrive avec ses idées préconçues de la mise en œuvre des diktats parisiens en considérant que la messe est dite et que les Néo-Calédoniens ont voté contre l’indépendance, on peut être assuré qu’aucun chéquier, selon sa méthode habituelle, ne permettra de sortir de l’impasse.
Il serait bien inspiré d’écouter la maire de Nouméa, appartenant pourtant au parti présidentiel, qui l’adjure de reporter le congrès de ratification de la loi constitutionnelle sur l’élargissement du corps électoral prévu en juin à Versailles, et qui ne revêt aucun caractère d’urgence. Pour le moment, l’avion présidentiel est à l’abri dans ce moment de calme avant la tempête, mais dès son arrivée sur le tarmac de la Tontouta, la zone de turbulence risque de le rattraper, et l’actualité récente a démontré les dangers de telles situations. Emmanuel Macron ne pourra pas rester longtemps sur l’île dont il ne verra probablement que la résidence du Haut-Commissaire où se dérouleront les concertations prévues. À défaut de guérir les écrouelles, souhaitons que le monarque républicain sache trouver les mots pour lancer un processus de réconciliation entre les parties en présence.