Trop dur !

C’est sous ce titre à l’ironie amère que j’avais projeté de vous entretenir du « calvaire » des malheureux voyageurs de l’Eurostar, bloqués de part et d’autre du tunnel sous la Manche, et dont les mésaventures semblaient en mesure d’émouvoir l’opinion publique et sensibiliser par contrecoup à la situation des fauteurs de trouble qui tentent toujours désespérément de passer en Angleterre. J’aurais mis en parallèle les inconvénients des uns et les drames des autres : passe encore que des êtres humains se noient par milliers en traversant la Méditerranée, qu’ils soient entassés dans des campements insalubres, qu’on leur dénie toute dignité humaine, mais il est insupportable de faire perdre une journée de vacances à de braves citoyens qui n’y sont pour rien ! 

 Mais toutes ces considérations se sont trouvées balayées comme fétus par un cliché qui a fait le tour du monde en évitant les quotidiens français comme le nuage de Tchernobyl et qui montre le corps sans vie d’un enfant échoué sur une plage touristique de Turquie. Comme souvent, la force de l’image, la puissance de l’émotion, a permis ce que les mots étaient incapables de faire : une sorte de cristallisation de l’opinion, à l’échelon des dirigeants comme des citoyens ordinaires comme vous et moi. On a comparé, à juste raison me semble-t-il, cette photo à celle de la petite Vietnamienne fuyant le napalm, qui aurait contribué à hâter la fin de la guerre en sensibilisant les opinions publiques et notamment celle des États-Unis.

C’est le moment qu’a choisi François Hollande pour ressortir un plan d’aide aux réfugiés basé sur des « quotas » d’accueil des migrants en fonction de critères plus ou moins objectifs. Il n’y a qu’un inconvénient à ce projet, mais il est rédhibitoire : il ne tient aucun compte des aspirations des personnes qui ont risqué leur vie et dépensé tout l’argent qu’elles possédaient et parfois au-delà, pour atteindre un objectif et rejoindre un pays donné, à tort ou à raison. À mon point de vue, il faudrait plutôt rassembler des fonds pour aider les pays d’accueil à intégrer ces populations, là où elles souhaitent vivre. Quant au rôle de la France, si elle veut être en pointe sur cette question, et ce serait tout à son honneur, qu’elle commence par accepter plus de demandeurs d’asile, quand près des trois quarts sont déboutés actuellement, au nom d’une définition trop restrictive du droit.