L’ennemi public numéro un

C’était moins une ! Il ne vous aura surement pas échappé que les bourses asiatiques, à commencer par celle de Shanghai, ont pris récemment un coup de froid, entrainant dans leur chute les marchés européens et mondiaux. Fort heureusement, les autorités chinoises ont identifié le coupable : il s’agit d’un journaliste, qui ne s’est pas fait prier pour reconnaitre ses torts, prouvant ainsi que le nouveau Chinois peut avoir des égarements passagers, mais qu’il demeure profondément patriote, n’hésitant pas à sacrifier sa modeste personne en avouant ses erreurs, plutôt que de persister dans ses agissements et risquer de mettre son pays en danger.

C’est beau comme l’antique. On est partagé entre l’effroi de savoir qu’un simple pékin, un obscur gratte-papier, a pu faire vaciller le puissant empire du Milieu, et le soulagement de savoir que les autorités ont été capables de déjouer ses manœuvres antipatriotiques et qu’elles tiennent à présent la situation dans leur main de fer sans le moindre gant de velours. Ça fait quand même froid dans le dos de penser que l’infâme Wang Xiaolu a réussi à déstabiliser la première ou deuxième économie mondiale seulement en répandant la rumeur, sans aucun fondement naturellement, que la croissance ne serait peut-être pas celle espérée par le gouvernement et qu’en conséquence il n’était pas impossible que l’état arrête de soutenir artificiellement les marchés, ce qu’il n’a pas tardé à faire d’ailleurs. Jeté dans un cul-de-basse-fosse, le journaliste honteux et confus s’est déclaré, mais un peu tard, profondément désolé en attendant son procès qui devrait servir à l’édification du bon peuple. Il aura de la chance s’il sauve sa tête. Mais à quoi pensait-il en écrivant ses articles mensongers ? À informer le public ? Ce n’est pas le petit peuple qui a perdu 3,2 milliards d’euros en une journée, mais bien le respectable Wang Jianlin, titulaire de la première fortune de Chine. Le pauvre milliardaire a vu disparaitre une bonne partie de la fortune qu’il avait engrangée depuis le début de l’année, soit 5,3 milliards qui portaient son capital à plus de 30 milliards d’euros.

La justice chinoise va avoir du travail puisque pas moins de 197 personnes ont été sanctionnées pour diffusion de fausses nouvelles, que ce soit au sujet de l’économie ou des explosions de Tianjin. Quand on dit que des têtes vont tomber, il ne faut pas forcément le prendre au sens figuré.