Pognon roi
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 2 septembre 2015 10:52
- Écrit par Claude Séné
Le fric, l’artiche, l’oseille, le blé, le carbure, le pèze, les rentes, l’osier, la galette, la thune, les pépettes ou les sous. Vous aurez reconnu dans cet inventaire à la Prévert quelques-uns des sobriquets sous lesquels les Frères Jacques désignaient le nerf de la guerre dans les années 60. Si l’argot de Simonin, de Blondin ou d’Audiard est un peu passé de mode de nos jours, remplacé par le langage djeune de banlieue, le phénomène de l’argent roi est plus que jamais de mise. Que l’on s’indigne des primes indécentes promises à l’ex-dirigeant d’Alcatel-Lucent pour sa gestion exemplaire de la liquidation de son entreprise, ou que l’on envie ce gamin de footballeur vendu à prix d’or comme une vulgaire marchandise, la prééminence de la finance traverse notre société.
Les exemples abondent. Prenons la récente polémique sur l’automatisation des peines pour conduite en état d’ivresse. Il était envisagé une amende forfaitaire de 500 euros. Une belle somme pour un smicard ou un chômeur en fin de droits, mais une misère pour le PDG qui tiendrait à conduire son véhicule lui-même. Les seules sanctions financières sont, à l’évidence, injustes dans une société inégalitaire comme la nôtre où les écarts de rémunérations sont abyssaux sans parler des différences de patrimoine.
Pourtant, la tendance lourde de ces dernières années est toujours à la régulation par l’argent. Lutter contre le tabagisme consiste pour l’essentiel à augmenter le prix du paquet de cigarettes, malgré la relative inefficacité de la mesure. Le maire de la commune de Florensac vante les mérites de sa prime « de présence » de 50 euros mensuels accordée aux seuls employés municipaux qui n’auront manqué aucun jour de travail, quelle qu’en soit la raison. Résultat, même malades comme des chiens, les salariés préfèreront refiler leur grippe à tout le bureau en fournissant un travail de faible qualité plutôt que de perdre leur prime. Il en va de même avec la gestion des ordures ou le traitement de l’eau, pour lesquels on préfère taper au porte-monnaie plutôt que de se donner la peine de faire comprendre et d’éduquer.
Nous n’en sommes pas encore à payer les écoliers pour les inciter à venir en classe, mais je ne désespère pas de voir cette mesure, déjà utilisée aux États-Unis, comme de juste, être enfin adoptée, histoire de préparer la jeunesse à son avenir de banquier ou de dealer.