Économie(s)

Il n’y a pas de petites économies pour tenter de juguler le déficit abyssal et chronique de la sécurité sociale. Aussi, la découverte d’un traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) 16 fois moins cher que le médicament actuel a été accueillie comme une excellente nouvelle par le ministère de la Santé. Jusqu’alors, le traitement consistait en une injection mensuelle de Lucentis, facturée 800 euros par le laboratoire Roche. À présent, il sera possible de remplacer ce produit par de l’Avastin, un médicament utilisé dans le traitement de certains cancers, qui ne coûte « que » 50 euros, et qui est commercialisé par le même laboratoire.

Tout le monde devrait être content, puisqu’une étude a démontré l’efficacité égale des deux produits, mais le laboratoire s’oppose à cette utilisation sous prétexte de risque à l’encontre de la santé publique. N’y voyez surtout pas d’arrière-pensées mercantiles, ce n’est pas le genre de la maison. Évidemment, on pourra faire remarquer que la décision d’utiliser l’Avastin dans le traitement de la DMLA aurait pu être prise plus tôt, puisque la direction générale de la santé avait pris en juillet 2012 et en toute indépendance, naturellement, la décision de l’interdire, au grand dam de nombreux spécialistes.

Au-delà du manque à gagner évident, 200 millions par an économisés par la sécu, le laboratoire est gêné aux entournures par la disposition technique qui permet l’utilisation de l’Avastin. Il s’agit d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) qui fait obligation aux laboratoires d’organiser un suivi des patients sur les 3 années de son application. Roche a décidé par avance que les résultats en seraient négatifs, surtout si ça lui coûte des sous.

Il est clair que la motivation principale des laboratoires n’est pas la santé publique, mais le taux de profit et le retour sur investissement. Comme par hasard, il n’y avait pas de médicament similaire au Lucentis, et l’autorité italienne de la concurrence a épinglé en 2014 les laboratoires Roche et Novartis pour entente illicite. Pourquoi se tirer la bourre quand on peut fixer librement un prix largement excessif ? La logique absurde de l’économie de marché appliquée à la santé publique conduit inexorablement à guider la recherche sur les secteurs rentables et à négliger les maladies moins profitables. C’est vrai dans les pays industrialisés et c’est vrai à l’échelle de la planète, où des fléaux comme Ebola auraient pu être maitrisés depuis longtemps.