Massacre en direct

Sauf le respect que je dois à Barak Obama, lire la nouvelle tuerie qui a eu lieu en Virginie et qui visait deux journalistes d’une chaine locale de télévision à la seule lumière de la dissémination des armes à feu aux États-Unis me parait très insuffisant. Bien sûr, un observatoire a recensé en 238 jours de l’année 2015, pas moins de 247 fusillades ayant entrainé la mort ou la blessure d’au moins 4 personnes. Les Américains détiennent à eux seuls 42 % des armes possédées par des civils dans le monde et il y a un mort par arme à feu toutes les 16 minutes sur leur sol.

Vous connaissez mon opinion sur ce fameux 2e amendement de la Constitution qui autorise tout citoyen américain à posséder une arme pour le plus grand bénéfice du lobby des fabricants. Malheureusement, le vœu du président américain de le modifier restera pieux dans la mesure où le congrès est en majorité républicain et que les adversaires des armes ne prendront pas de risques dans la perspective des élections prochaines. Ce que Barak Obama n’a pas souligné, et à mon avis sciemment, c’est que le tireur a invoqué des raisons de discrimination raciale et sexuelle pour justifier son geste, qui se veut une réponse aux tueries du même type commises par des suprématistes blancs. Obama n’aura pas voulu en rajouter sur les conflits raciaux après les nombreuses bavures policières qui ont enflammé le pays dernièrement. C’est pourtant à ma connaissance la première fois qu’un Afro-Américain revendique la vengeance raciale pour commettre un crime de cette nature.

La deuxième caractéristique de ce meurtre, c’est sa mise en scène. Le tireur est un ancien journaliste de la chaine, il connait parfaitement les arcanes du reportage et il s’en sert pour être sûr de faire passer son crime en direct à la télévision. Pour plus de sécurité et de réalisme, il filme lui-même la scène qu’il poste sur les réseaux sociaux, mais qui sera retirée assez rapidement. Il rédige également une lettre de suicide circonstanciée avant de se donner la mort au terme d’une course poursuite qui achèvera d’attirer l’attention sur son acte. On se demande si l’on n’est pas devant un nouvel avatar de la télé-réalité, déjà pressenti par Yves Boisset en 1983 quand sortait son film « le prix du danger ».

Si Obama a réussi à faire passer sa réforme de l’assurance santé, son bilan sur la coexistence des communautés restera beaucoup plus mitigé.