Écologie : le péché originel

François de Rugy, député écologiste de Loire-Atlantique et vice-président du groupe Europe écologie-Les verts à l’Assemblée nationale, vient d’annoncer son départ de sa formation politique pour cause de « dérive gauchiste ». Une décision mûrement réfléchie probablement puisqu’elle survient à l’occasion du lancement de son ouvrage : Écologie ou gauchisme, il faut choisir. La définition de la stratégie de son mouvement pour les élections régionales, entre alliance avec Jean-Luc Mélenchon ou accord avec le PS, cristallise les différences d’approche au sein du mouvement écologiste depuis le départ de Cécile Duflot et Pascal Canfin du gouvernement. Après le départ de Dany Cohn–Bendit et celui possible de Jean-Vincent Placé et peut-être de Barbara Pompili, EELV apparait plus divisée que jamais.

La secrétaire actuelle d’EELV tente de maintenir un semblant de cohésion en évitant de prendre parti entre les partisans d’un retour des écolos au gouvernement et ceux qui veulent une alliance tactique avec le parti de gauche, sans grand succès. Emmanuelle Cosse me fait penser à ce chauffeur de car scolaire américain, excédé par les conflits perpétuels entre écoliers blancs et noirs et qui leur dit : ça suffit ! Il n’y a plus de blancs, il n’y a plus de noirs, dans mon car, nous sommes tous verts. Alors les verts clairs, devant, les verts foncés, derrière !

Quand René Dumont s’est présenté en 1974 à l’élection présidentielle, il savait pertinemment qu’il n’avait aucune chance d’être élu, mais il se saisissait de l’occasion de la campagne pour en faire un porte-voix pour ses idées, totalement méconnues à cette époque. L’écologie politique était née. Dès cet acte fondateur, le vert était dans le fruit, si l’on me pardonne cet à-peu-près. Il existait déjà des associations, des comités qui tentaient de défendre l’environnement sur le terrain, en rassemblant ponctuellement des citoyens de tous horizons sur un projet précis. Peu à peu, l’idée s’est imposée que seul le pouvoir politique pouvait obliger à des changements profonds dans l’organisation de la société, à l’image des « grünen » allemands. Cette vision a permis aux écologistes d’être représentés dans les suffrages proportionnels, tels que les élections européennes, mais se heurte à la mécanique inexorable des scrutins majoritaires, et notamment la reine des élections, la présidentielle, qui impose de larges coalitions et donc une stratégie d’alliances. À ce petit jeu, les écolos ne sont pas meilleurs que les autres et ne démontrent pas leur nécessité d’exister en tant que parti, malgré le bien-fondé de leur cause.