Spéciale rétro

Un pique-nique géant s’est tenu dimanche dernier à Pouldreuzic pour fêter les 100 ans du pâté Hénaff. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup, comme pour la plupart des Bretons. Ce fameux pâté, inventé en 1915 par le fondateur de la société, Jean Hénaff, a bercé toute mon enfance, bien qu’il ne se trempât pas dans le thé comme la fameuse madeleine. Il a accompagné plus d’un casse-croute en se mariant avec le café ou le vin rouge. Il fait partie des incontournables comme le célèbre « du pain, du beurre et un couteau pour manger avec ».

Je me souviens du crieur qui vendait ses boissons et ses sandwiches au stade de football de Brest. Attention, je parle du club amateur issu du patronage laïc, et non du club catho qui a finalement donné naissance au club professionnel actuel du Stade Brestois. Le crieur, disais-je, qui vantait sa marchandise à grand renfort de « Pâté Hénaff, pâté qui saoule », et qui ajoutait avec bon sens : « il vaut mieux avoir une bière dans le corps que le corps dans la bière ». Du plus loin qu’il m’en souvienne, la petite boîte jaune et bleue a toujours fait partie du paysage. Si bien que la publicité qui montrait des Bretons de pacotille dans une carriole tirée par un cheval, censée illustrer les débuts laborieux du grand-père du narrateur livrant ses conserves artisanales dans toute la Bretagne paraissait presque crédible.

Jouant habilement sur le caractère traditionnel, l’entreprise familiale s’appuie sur l’imagerie qui entoure le pays bigouden, avec ses hautes coiffes amidonnées. Le siège de la conserverie, Pouldreuzic, sert de cadre au célèbre récit de Per Jakès Hélias : « le cheval d’orgueil ». On imagine sans peine le grand valet de l’histoire refuser d’être nourri exclusivement de saumon et réclamer le pâté de porc pour améliorer l’ordinaire.

Au moment où l’élevage français connait une énième crise, et spécialement l’élevage de porcs en Bretagne, l’exemple de la réussite du pâté Hénaff est instructif. La recette, bien que secrète, est basée sur l’utilisation des morceaux nobles, pour obtenir une qualité et un goût sans pareils. De plus, Jean Hénaff payait ses employés un peu au-dessus de ses concurrents, pour attirer et conserver une main-d’œuvre qualifiée. Et le succès est au rendez-vous, localement et régionalement d’abord et progressivement dans le monde entier. Un exemple à méditer.