De Bobby Sands à Guantanamo

Vous n’avez peut-être, tout comme moi, pas eu connaissance de la situation de cet avocat palestinien en grève de la faim depuis 2 mois pour protester contre sa détention arbitraire. J’avoue que cette information m’avait échappé et qu’il aura fallu que Mohammed Allan frôle la mort pour que j’entende parler de son combat. Cette affaire est scandaleuse à plus d’un titre et devrait faire rejaillir la honte sur le gouvernement israélien. Si Mohammed Allan refusait de s’alimenter depuis plus de deux mois, n’acceptant qu’une transfusion d’eau salée, c’est parce qu’il est détenu depuis novembre dernier au nom d’une loi scélérate qui n’a rien à envier à celles qui régissent Guantanamo ou les bases américaines cachées dans le monde.

Il a été incarcéré en vertu d’une loi d’exception, la détention administrative, qui permet à Israël d’emprisonner qui il veut sur la base de simples soupçons, sans procès et pour une durée illimitée. Cet avocat palestinien est suspecté d’appartenir à une mouvance terroriste, ce que l’intéressé nie formellement. Ne pouvant se défendre autrement, il a entamé le 18 juin une grève de la faim qui l’a amené à tomber dans un coma dont il vient seulement de sortir. L’affaire embarrasse quand même le gouvernement, et le premier ministre a fait voter une loi qui permettrait de nourrir de force un prisonnier, au risque de le tuer de l’aveu même de certains médecins israéliens, qui refusent d’administrer le « traitement ».

La Cour suprême israélienne a provisoirement tiré le gouvernement de ce mauvais pas en suspendant la détention pour raisons de santé. Le Palestinien de 31 ans échappe ainsi à une mort qui paraissait inéluctable, cependant que Netanyahou évite de faire un nouveau martyr de la cause palestinienne et d’endosser le rôle de méchant comme la dame de fer en son temps. L’avocat continuera à être soigné dans le même hôpital, mais il sera libre de recevoir les visites de sa famille et pourra être transféré quand son état le permettra. Une défaite pour les faucons du gouvernement, dont le ministre de la Sécurité intérieure, qui craint que les grèves de la faim déjà entamées et celles qui risquent de venir, deviennent un moyen de chantage contre l’État d’Israël. Personnellement, devant un État voyou qui ne recule devant aucun procédé pour entretenir le conflit tout en bafouant le dernier droit qui reste à tout prisonnier politique, celui de se laisser mourir en forme de protestation, mon choix est vite effectué.