Chronique d’un racisme ordinaire

« Cette population, on préférerait tous qu’elle n’existe pas. Mais elle existe, il faut respecter la loi ». De quelle population s’agit-il ? Celle des gens du voyage. Qui profère cette énormité ? Philippe Marini, ancien sénateur UMP, démissionnaire par dépit de ne pas avoir été élu président du Sénat par ses pairs, et maire de Compiègne sous la bannière des Républicains. Remplacez gens du voyage par Juifs, musulmans ou noirs, et vous vous retrouvez illico sous le chef d’accusation de racisme, qui n’est pas, rappelons-le, une opinion, mais un délit. Curieusement, il semble exister une hiérarchie dans la gravité des atteintes aux personnes en fonction de leurs singularités ou de leur appartenance à un groupe.

Monsieur Marini s’est déjà fait remarquer par le passé en soutenant discrètement le régime de Bachar Al-Assad, un dictateur « à l’esprit moderne » et celui de Khadafi qui empêchait les réfugiés d’affluer à Lampedusa et en Europe. Il justifie sa dernière sortie en prétendant dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas. Et il pourrait bien avoir raison. Avant lui, la chanteuse Hélène Ségara laissait échapper dans une interview une remarque sur les personnes qui venaient chercher leur repas aux restaus du cœur en Mercedes et qui, au lieu de s’en excuser, se plaignait des polémiques que son propos avait déclenchées. Le maire de Wavrin, une commune de 7000 habitants dans le Nord, a préféré dépenser 28 000 euros de terrassement pour creuser des tranchées afin d’empêcher les gens du voyage de stationner dans la commune, plutôt que de s’acquitter de l’obligation de leur fournir un terrain aménagé. Pour plaire à une partie de la population, le maire envisage de créer une aire de passage, plus sommairement équipée et surtout le plus loin possible du centre, en bordure de la commune voisine qui s’y oppose. En anglais, cela s’appelle « not in my backyard », littéralement, pas dans mon arrière-cour.

C’est au nom de ce même principe que le maire de Wattrelos, qui va respecter la loi en construisant une aire d’accueil sur sa commune de plus de 5000 habitants, compte la protéger de la vue et du passage des voisins belges de Mouscron en érigeant une palissade sur la frontière, à la demande du bourgmestre. Si vous n’appelez pas ça de la discrimination, je cherche encore un qualificatif plus adapté. Si les lois s’imposent à tous, l’état est visiblement plus ou moins pressé de les faire appliquer.