Actionnaires de tous les pays…

Unissez-vous ! La polémique sur les rémunérations des grands patrons des sociétés cotées en Bourse rebondit outre-Manche avec la publication d’un rapport sur l’évolution des écarts entre les salaires moyens des dirigeants et celui de leurs employés. En 2014, les patrons des 100 plus grosses entreprises anglaises ont touché en moyenne près de 7 millions d’euros, soit de 148 à 183 fois selon les sources, le salaire moyen au Royaume-Uni. Pourtant, les actionnaires sont consultés et peuvent voter contre les rémunérations les plus abusives. Mais ils ne sont que 6,4 % à user de ce droit en pratique.

En France aussi, les actionnaires donnent leur avis sur la politique salariale de l’entreprise, mais celui-ci est purement consultatif. Encore faut-il distinguer entre actionnaires majoritaires, qui ont tous partie liée avec des participations croisées dans les différents conseils d’administration, et les « petits actionnaires », parfois regroupés dans des associations et qui trouvent souvent excessives des rémunérations qui amputent d’autant leurs dividendes. N’allez pas croire pour autant qu’ils défendent le resserrement de la fourchette salariale par l’augmentation des employés. La plupart d’entre eux sont parfaitement réactionnaires et ne songent eux aussi qu’à leurs profits.

Selon une étude remontant à 2012, la France se situait dans le peloton de tête des mauvais élèves avec un ratio de 104 entre les salaires moyens des patrons et des employés, tandis que le Royaume-Uni ne réalisait « que » 84 et que les États-Unis caracolaient déjà avec un score de 354. Bien que dépassés par les Anglais, nous faisons de notre mieux pour rattraper les Américains depuis que nous avons renoncé à étendre au secteur privé le louable effort de limiter à 1 pour 20 les écarts de salaire dans la fonction publique. Un concept ravageur a pourtant été introduit par Sarkozy. Sous couvert de rationalité économique, il ne faudrait accorder de primes de toutes natures aux dirigeants que si l’entreprise réalise des bénéfices. Une façon élégante de justifier le capitalisme le plus sauvage en ignorant superbement ceux qui font la richesse réelle des entreprises, les salariés, qui n’y peuvent strictement rien quand la boite est mal gérée.

Que voulez-vous, il faut bien que la richesse s’accumule pour que la future Isabelle Balkany naisse dans le 16e arrondissement de Paris et aille en Rolls à l’école, que ça lui plaise ou non.