Bien mal acquis
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 31 août 2023 11:10
- Écrit par Claude Séné
Selon la sagesse populaire, il ne pourrait jamais profiter à celui qui l’a obtenu par des procédés frauduleux ou malhonnêtes. Il faut cependant observer que cette sanction peut demander un délai au-delà du raisonnable pour se vérifier. Le putsch militaire qui vient de se produire au Gabon, après celui de Niamey au Niger, semble répondre à une exigence de justice immanente qui frapperait la dynastie de la famille Bongo, au pouvoir depuis 1967 avec le père, Omar, puis le fils, Ali, compromis dans le scandale dit des biens mal acquis, notamment des immeubles achetés en France et financés par des détournements d’argent public.
La France a condamné le coup d’État, plus ou moins par principe, parce que le président sortant a été élu et semble donc légitime, car désigné démocratiquement par le peuple. La diplomatie française pourrait cependant être amenée à revoir sa position, de même que la communauté internationale, car les opposants au régime ont dénoncé des irrégularités dans le scrutin, et la réaction de la rue semble favorable aux militaires, et montrer sa satisfaction de ce qu’elle considère comme une libération. Ce qui devrait soulager la France, c’est que cette prise de pouvoir ne s’accompagne pas de slogans anti-français, contrairement à ce qui a pu se passer au Niger, au Mali ou au Burkina Faso, où les juntes militaires ont demandé le départ des troupes françaises venues les aider à lutter contre le terrorisme, et qu’elles souhaitent remplacer par la milice Wagner, passant ainsi de Charybde en Scylla. Dans le passé, Omar Bongo a été un des piliers de la Françafrique, soutien indéfectible de la politique française en Afrique, soupçonné de financement illégal de partis politiques français, en échange d’un laisser-faire d’enrichissement personnel de la part de son clan. Depuis 2009, et malgré la mort du patriarche, l’enquête sur les « biens mal acquis » se poursuit, et finira bien par aboutir.
La France a tout intérêt à conserver de bonnes relations avec le Gabon, quel que soit le régime politique qui dirige le pays, et c’est probablement ce qu’elle essaiera de faire. Il s’agit de préserver les industries françaises, très lucratives. C’est le cas de Total énergies et d’autres industriels du pétrole, ou Eramet qui exploite la presque totalité de la production de manganèse, ou encore Air Liquide et Air France. En tout, les groupes français emploient 14 000 personnes, pour un chiffre d’affaires de plus de 3 milliards d’euros. Un volume non négligeable pour un pays considéré comme le plus riche d’Afrique, malgré la paupérisation des zones agricoles en pleine désertification. Le retour à un pouvoir civil est évidemment une condition nécessaire à un développement et un fonctionnement démocratique du pays, mais les militaires qui ont déposé le président Ali Bongo ont peut-être rendu un grand service au peuple gabonais en jouant le rôle de la Providence.