Et l’amour aussi…
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 9 août 2015 11:30
- Écrit par L'invitée du dimanche
Après l’amitié, voici l’amour, ce sentiment largement célébré sous toutes ses formes, par tous les poètes de toute éternité. Comme le chantait Tachan, « entre l’amour et l’amitié dites-moi donc la différence »… J’ai choisi la voix d’Aragon entre toutes, avec « la rose et le réséda » pour illustrer ce qu’il peut y avoir de plus noble, de plus désintéressé en lui.
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du cœur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au cœur car il chaussa du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
L’un court et l’autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle
La rose et le réséda
Louis Aragon 1897 -1982 est un de nos plus grands poètes, romanciers, journalistes contemporains, son œuvre a largement été imprégnée de son engagement politique aux côtés des communistes. Ce poème qui fait partie du recueil de la Diane française écrit en 1940 et publié en 1944, dans sa superbe allégorie, est aussi un appel à l’unité pour la défense de la patrie aimée. Aussi fort et poignant que soit ce recueil, il ne nous fait pas oublier pour autant tous les autres chants d’amour dédiés à Elsa par exemple, et même si le même poète nous dit « il n’y a pas d’amour heureux… » Continuons d’y croire.
L’invitée du dimanche