La jurisprudence Aubenas

Le dernier otage français vient d’être libéré et l’on ne peut que s’en réjouir. Quand j’ai vu l’arrivée d’Isabelle Prime à l’aéroport de Villacoublay à la télévision, j’ai immédiatement pensé à celle de Florence Aubenas, il y a 10 ans, presque jour pour jour. Le président de l’époque, Jacques Chirac, était venu l’accueillir, tout comme François Hollande. La détention de Florence Aubenas avait duré 157 jours et celle d’Isabelle Prime 163 jours. Les deux jeunes femmes étaient apparues fatiguées, mais souriantes. L’une comme l’autre avait fait une courte déclaration à la presse, et leur attitude générale m’est apparue très similaire.

Florence Aubenas a naturellement été sollicitée, en tant que journaliste, pour raconter son histoire, soit sous forme d’un article étoffé, soit sous celle d’un livre. Les précédents ne manquaient pas et la journaliste a publié plusieurs ouvrages relatant son expérience. Elle s’y est toujours refusé, au motif que cela aurait été une façon de faire de la publicité à ses ravisseurs, de donner un retentissement médiatique supplémentaire à la cause que ces terroristes voulaient mettre en avant. Une attitude d’autant plus méritoire à mes yeux que le moindre témoignage acquiert un statut de best-seller, pour peu que son auteur soit déjà connu ou qu’il bénéficie de sa situation privilégiée. J’en veux pour preuve le livre témoignage de Valérie Trierweiler, dont les conditions de détention à l’Élysée n’étaient pourtant pas particulièrement pénibles, et qui a gagné des sommes colossales en racontant son calvaire doré dans un ouvrage qui aurait pu s’appeler : « merci pour ces pépettes ».

Quelque chose me dit qu’Isabelle Prime n’est pas de celles qui cherchent la fortune ou la carrière à tout prix. Je serais surpris, et un peu déçu qu’elle cherche à monnayer son histoire, d’autant que la Française travaillait pour le compte d’une société américaine basée à Miami, Floride, spécialisée dans des programmes de protection sociale. Une dimension dont j’imagine qu’elle implique une certaine conception de l’éthique, notamment quand elle s’exerce dans un pays aussi pauvre que le Yémen. L’avenir nous le dira. Et toujours à propos d’argent, dans les deux cas, la France a démenti avoir versé la moindre rançon, malgré les rumeurs. Tout comme le crime, officiellement, la France ne paie toujours pas.