Il ne s’est rien passé à Hiroshima

Vous connaissez ma position sur les commémorations, dont je trouve souvent qu’elles sont purement rituelles et déconnectées des évènements dont elles veulent évoquer le souvenir. Ce 6 août fait exception à la règle. Le 70e anniversaire de la destruction d’Hiroshima doit être rappelé avec insistance, et je ne peux qu’approuver la diffusion de reportages consacrés à cet épisode de la 2e guerre mondiale, avant que les derniers survivants ne puissent plus témoigner de la barbarie nucléaire.

Je me souviens du film d’Alain Resnais, Hiroshima mon amour, auquel j’avoue ne pas avoir compris grand-chose à sa sortie en 1959, mais qui m’a cependant touché avec cette phrase insistante du Japonais s’adressant à Emmanuelle Riva : « tu n’as rien vu à Hiroshima ». Nous tous, à cette époque, nous n’avons en effet rien vu, sinon un énorme champignon dans le ciel et des maisons en ruine, mais rien qui puisse nous faire toucher du doigt l’horreur des corps calcinés et les conséquences invisibles sur plusieurs générations.

70 ans après, le débat n’est pas clos sur la nécessité de cette attaque apocalyptique, et sur la comptabilité morbide des 200 000 victimes japonaises en incluant celles de Nagasaki, 3 jours plus tard, au regard des morts qu’aurait entrainées la poursuite de la guerre dans le Pacifique. L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs et la thèse américaine selon laquelle l’utilisation de l’arme nucléaire était justifiée, comme en témoigne le petit nom affectueux donné à la bombe : « little boy », est encore la doctrine officielle.

Pourtant, un des inventeurs de la bombe déclarait immédiatement après les essais : « Maintenant, nous sommes tous des fils de putes », et de nombreux historiens pensent que le Japon aurait capitulé même sans l’utilisation de l’arme nucléaire. Le gouvernement de Truman aurait voulu frapper les esprits, à la fois en direction de son opinion publique intérieure et vis-à-vis de Staline et de la Russie.

Comme après la « Grande Guerre », qui devait être la der des ders, des voix se sont élevées pour affirmer : « plus jamais ça ! », avec le sort que l’on connait. La non-dissémination nucléaire est devenue l’objectif principal, alors que ce devrait être l’éradication de cette arme, pour tous ceux qui la possèdent. Même les « fils de putes » ont droit à une 2e chance.