Capitale : Clochemerle
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 4 août 2015 10:25
- Écrit par Claude Séné
Les élections régionales de 2015 ne se dérouleront que début décembre, mais nous avons eu un avant-goût de la hauteur de la campagne au moment de la publication des noms des 14 capitales des futures « grandes régions ». Si on laisse de côté les régions qui ne changeront ni de nom ni de métropole administrative, pour les autres, c’est la foire d’empoigne, qui ne laisse pas de nous rappeler le célèbre ouvrage de Gabriel Chevalier, où la suprématie de Clochemerle doit être affirmée par l’édification d’un urinoir.
À moins que la référence littéraire la plus appropriée soit celle du roman de Louis Pergaud, la guerre des boutons. Quand on voit les partisans de Toulouse-Longeverne s’opposer à ceux de Montpellier-Velrans, on se demande si tout ça ne se résume pas à une compétition pour déterminer celui qui urine le plus loin, avec ou sans vespasienne. À travers la controverse sur la désignation de la capitale régionale se dessine la rivalité entre territoires voisins, mais persuadés de leur supériorité. En général, chacun est convaincu de l’excellence de son département ou de sa région et de la médiocrité des régions limitrophes, avec lesquelles il ne voudrait surtout pas être confondu. Ainsi en va-t-il des Corses et des continentaux, des Alsaciens et des Lorrains, des Ultramarins et des métropolitains, et de tous contre les Parisiens « têtes de chiens ».
L’affaire se complique encore par le casse-tête des nouveaux noms à trouver pour désigner les régions nées de la fusion entre frères ennemis. Pour ne vexer personne, on pourrait envisager de coller les noms anciens dans un titre à rallonge tel que « Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon ». L’expérience a abouti au disgracieux acronyme PACA dans le passé. Et comment nommer l’assemblage des Alsaciens et des Lorrains, qui ne veulent pas les uns des autres, en leur adjoignant les Champenois et les Ardennais ?
Dans sa grande sagesse, le législateur a prévu que les noms et les capitales des grandes régions ne seraient que provisoires et devraient être attribués définitivement par les conseillers régionaux quand ils seront élus, et ratifiés par le Conseil d’État. Pas sûr que cette agitation soit de nature à mobiliser l’électorat et à faire reculer l’abstention. Pire, il ne faudrait pas qu’au bout du compte les citoyens qui se seront déplacés pour exprimer leur choix se disent comme Tigibus : « si j’aurais su, j’aurais pas venu ! »