Le poids des mots
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 1 août 2015 10:27
- Écrit par Claude Séné
Vous connaissez la suite du slogan publicitaire de Paris Match. On a de plus en plus tendance à privilégier ce choc des photos, qui, avec le temps, est devenu l’impact de l’image dans un sens plus général. Le développement massif des smartphones a provoqué l’émergence de millions de vidéastes amateurs. On avait coutume de dire qu’un évènement n’existait pas s’il n’y avait pas d’image pour le montrer. D’où ces vidéos qui tournent en boucle sur les chaines d’information continue en arrière-plan des journalistes traditionnels qui annoncent les nouvelles en studio ou en duplex.
Pas une catastrophe naturelle qui ne soit illustrée par des vidéos, démontrant la volonté de faire de l’audience à n’importe quel prix. C’est que l’image fait appel à l’émotionnel, à l’affectif, à l’immédiateté d’une situation perçue dans son ensemble. C’est pourquoi le dessin de presse possède tant d’efficacité, comme le démontre l’éditorial de Plantu dans le Monde, et aussi malheureusement la tuerie de Charlie Hebdo en janvier dernier. Lorsque les images sont trop violentes ou trop impressionnantes, elles sont précédées d’un avertissement censément destiné à éloigner les enfants, mais ne sont que très rarement bloquées, au nom du sacrosaint droit à l’information.
C’est pourtant un mot qui m’a choqué dans le flot ininterrompu des nouvelles, tant il m’a paru incongru dans la bouche de celui qui l’a prononcé. À la suite de l’incendie criminel qui a coûté la vie à un bébé palestinien en Cisjordanie, tandis que ses parents et son frère étaient grièvement blessés, le premier ministre israélien a qualifié ce geste attribué à des colons extrémistes, d’acte de terrorisme. En effet, les auteurs de cet attentat, perpétré à l’aide de cocktails Molotov, ont « signé » leur forfait d’une inscription en hébreu signifiant « vengeance ».
Le terme employé par Benjamin Netanyahu donne l’impression d’une condamnation ferme de tels agissements, mais c’est en grande partie un trompe-l’œil. Le mot terrorisme est mis à toutes les sauces ces temps deniers, jusqu’à perdre en partie sa force et sa signification. Tous les dictateurs de la planète qualifient leurs opposants de terroristes. Le dirigeant israélien semble renvoyer dos à dos les terroristes juifs et palestiniens en les englobant dans une même réprobation, mais en omettant volontairement de signifier les raisons d’une telle situation, notamment l’attitude constante de son gouvernement qui sape insidieusement toute chance de paix en favorisant l’implantation de colonies. Si les mots ont encore un sens, il devrait tout mettre en œuvre pour arrêter et juger les criminels en question.