Le mistigri
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 31 juillet 2015 10:26
- Écrit par Claude Séné
La nuit, à Calais, tous les migrants sont gris. Ce sont des ombres fantomatiques qui tentent désespérément de se faufiler dans un camion ou dans un Eurostar, au risque de leur vie, mais leur vie n’en est plus une depuis qu’ils ont coupé les ponts avec leur terre natale pour traverser les océans et les territoires hostiles en tentant de rejoindre un eldorado anglais largement surfait, où les attend parfois un cousin, un frère, un ami, quelqu’un qui leur rendra leur dignité perdue. Il ne faut pas se le cacher, les conditions « d’accueil » dans la nouvelle jungle ne sont pas dignes d’un grand pays prétendument civilisé comme la France.
Devant ce désastre, prévisible après le démantèlement de Sangatte, tout le monde se renvoie la balle, comme dans le jeu de cartes du mistigri, également connu sous le nom du « pouilleux ». En l’occurrence, les migrants qui tentent chaque nuit le passage vers l’Angleterre sont traités comme des pestiférés. Le premier ministre britannique, David Cameron, les a comparés à des nuées comme s’il s’agissait des plaies d’Égypte ou d’une invasion d’insectes. Il pousse le cynisme jusqu’à expliquer leur venue par l’excellence de la société anglaise, son dynamisme, sa croissance et l’attractivité d’un pays où il y a du travail. Fort bien. Que Mr Cameron assume ses positions jusqu’au bout. Au lieu de déléguer à la France et à la société Eurotunnel la charge d’empêcher les migrants de franchir la Manche et d’entasser ces hommes et ces femmes dans des bidonvilles plus que précaires, que la Grande-Bretagne se charge de l’hébergement de tous ces candidats à vivre sur son sol et en assume la gestion sur son propre territoire.
Pas plus que l’Italie, qui assume la charge de s’occuper de l’immense majorité des migrants qui débarquent sur ses côtes après une odyssée extrêmement risquée, la France n’est pas, ou rarement, la destination finale des candidats à l’exil. Si l’Europe sociale avait un sens, si l’Europe humanitaire existait ne serait-ce qu’a minima, si l’Europe politique avait un début de signification, c’est un sujet qui serait abordé et résolu collectivement. Malheureusement, si cette Europe existait, la Grande-Bretagne de David Cameron s’empresserait d’en sortir.