Le très attendu printemps du sacre

Lorsqu’elle n’était encore que la petite amie officielle du prince William, le fils aîné de Charles III et par conséquent l’héritier de la couronne immédiatement après son père, les tabloïds anglophones avaient surnommé Kate Middleton « waitie Katie », en soulignant sa patience d’attendre que son royal fiancé se décide enfin à officialiser leur relation en lui passant la bague au doigt. On peut l’interpréter positivement comme une marque d’attachement inconditionnel de la petite fiancée du royaume à l’égard du futur roi, ou plus prosaïquement comme une ambition, celle de devenir reine un jour à son tour, en récompense de tous les sacrifices exigés par le protocole.

Son attente n’aura été que très relative, comparée à celle de son beau-père, Charles, qui est devenu roi à l’âge de 74 ans, 70 ans après sa mère, Élisabeth II, à la longévité exceptionnelle. Et que dire de Camilla Parker Bowles, qui a conquis de haute lutte le droit d’être reconnue reine à part entière, grâce à son adoubement par Élisabeth II, qui a accepté avec le temps que son fils l’épouse officiellement et qu’elle puisse ainsi être reine par alliance alors que le prince Philip n’était « que » prince consort. Le sacre de Charles lui permet ainsi d’être couronnée elle-même. Il lui aura fallu remonter une pente abrupte dans l’opinion des sujets de sa gracieuse majesté, tant elle avait le mauvais rôle au départ. Elle symbolisait la briseuse de ménage, la troisième personne du couple princier que formaient Charles et Diana, adoptée par le peuple britannique, et restée à jamais une icône après sa tragique disparition dans le tunnel du pont de l’Alma à Paris.

C’est peut-être ce rapport au temps qui décrit le mieux la différence entre les régimes républicains et les monarchies. On a beaucoup dit, et moi le premier, que les présidents de la République française étaient devenus depuis la modification de la Constitution permettant leur élection au suffrage universel, de véritables monarques républicains. Ce qui est vrai et faux à la fois. Le roi d’Angleterre, comme les autres monarques en exercice actuellement dans le monde, règne, mais ne gouverne pas selon l’expression consacrée. Son rôle s’apparenterait davantage à celui des présidents de la 4e république en France, guère plus que d’inaugurer les chrysanthèmes, en incarnant la continuité de l’état, sans être affecté par les aléas de la vie politique. La personnalité du souverain joue évidemment un rôle important. Élisabeth II respectait à la lettre sa neutralité et s’interdisait de donner son opinion personnelle pour ne pas gêner l’action gouvernementale. Charles III sera probablement plus interventionniste, notamment sur les sujets écologiques. Quoi qu’il en soit, je fais partie de ceux qui n’ont pas la nostalgie de ces vestiges du passé, même si, parait-il, le couronnement sera une opération financière rentable.