Amalgames

En dehors de l’alliage employé par les dentistes pour obturer une dent, l’amalgame désigne, au sens figuré, un mélange disparate de choses ou de personnes très différentes, et, spécifiquement, un regroupement abusif de diverses formations politiques dans le but de les discréditer. C’est dans ce dernier sens, je crois, qu’il convient d’apprécier la nouvelle politique du gouvernement turc, emmené par son premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, qui est sorti de son attitude de non-intervention chez les voisins syriens et irakiens, pour s’engager résolument dans la lutte contre Daech et l’état islamique.

Ce qui pourrait apparaitre comme un progrès doit immédiatement être nuancé par le corollaire de cette politique, qui est de s’attaquer également à son ennemi de toujours, le PKK, parti kurde opposé à sa politique, qu’il assimile également à des terroristes, bien qu’il constitue une des forces qui s’oppose le plus efficacement à l’avancée des combattants djihadistes. Au point que l’on peut se demander si l’objectif principal n’est pas d’affaiblir la contestation kurde sous couvert de lutte contre le terrorisme, plutôt que de combattre les djihadistes, un soin qu’il laisserait à l’allié américain à qui il ouvre à présent ses bases militaires.

Curieusement, on retrouve une attitude similaire chez le dictateur syrien, qui a toujours prétendu combattre le terrorisme en s’en prenant à tous ses adversaires politiques, quelles que soient leurs convictions. C’est ainsi qu’il a pu mettre dans le même sac les troupes de Daech et l’armée des forces d’opposition, se présentant comme le dernier rempart contre l’état islamique. Force est de constater que cette stratégie a été gagnante, ou du moins qu’elle a permis d’éviter la chute du régime autoritaire de Bachar el-Assad. La situation est suffisamment confuse pour que les États-Unis, qui seuls disposeraient de la puissance nécessaire pour imposer le départ du président syrien par une défaite militaire, reculent devant le risque d’un nouveau scénario catastrophe à l’instar de l’Irak en créant un de ces guêpiers inextricables dont ils ont le secret depuis le Vietnam et dont ils ne pourraient plus se sortir.

Si nous revenons à la comparaison de départ, nous prenons le chemin d’obturer une dent malade sans avoir traité l’infection qui couve sous la racine, que ce soit la question kurde ou le régime pourri en Syrie, et l’on sait ce qu’il advient inéluctablement en pareil cas : un abcès, entraînant des conséquences douloureuses.