Mauvais exemple

Voilà plus d’une semaine que je songeais à vous exprimer une indignation partagée au sujet de la confiscation de la petite plage de la Mirandole, à Vallauris, au profit du roi d’Arabie saoudite et de sa suite à l’occasion de sa venue en France dans sa luxueuse propriété. Ce qui n’était à ce moment-là qu’un minuscule entrefilet dans la presse régionale est devenu une affaire d’État occupant les unes des journaux nationaux. Rappelons quand même que notre ami le roi, qui possède déjà un véritable palais en bord de mer, avait imaginé d’installer un ascenseur pour lui permettre d’accéder à la plage sans sortir de chez lui.

Pour faire bonne mesure, il voulait également bloquer l’unique accès au site en installant une grille dont il garderait évidemment la clé à son usage personnel. Lui aussi avait naturellement fait commencer les travaux sans se préoccuper de savoir si c’était autorisé, selon la détestable habitude des nantis. Vous vous souvenez peut-être de la blague selon laquelle, quand Michael Jackson avait un petit creux, il achetait un restaurant. Le bon roi semble appliquer le même principe : s’il a envie de se baigner, il achète une plage. C’est peut-être envisageable dans son pays, qui ne brille pas par son respect de la démocratie, mais j’espérais que cela soit impossible en France.

Il est vrai que devant le tollé suscité par cette affaire la préfecture a fait interrompre les travaux, mais a aussitôt pris un arrêté pour empêcher l’accès à la plage, officiellement pour des raisons de « sécurité », malgré les 120 000 signatures de la pétition populaire. Officieusement, on fait valoir les retombées économiques des dépenses des membres de la délégation, notamment des riches saoudiennes qui dépensent sans compter dans les boutiques de luxe. Il n’y a pas si longtemps, quand l’homme d’affaires Patrick Drahi, patron de Numéricable, a voulu se payer son concurrent, Bouygues Télécom, le Premier ministre en personne avait fixé des conditions pour éviter un abus de position dominante. Malgré les sommes faramineuses proposées, le patron de Bouygues avait finalement décliné l’offre au motif que l’argent ne pouvait pas tout acheter. Une noble position, peut-être pas tout à fait sincère, que ne semble pas partager le gouvernement, qui prend moins de gants avec les pays pauvres.