Pour tous les exilés et réfugiés du monde
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 26 juillet 2015 10:26
- Écrit par L'invitée du dimanche
Syriens, Iraniens, Érythréens, Kurdes… contraints par la répression, la guerre, la famine, à partir hors de leur terre d’origine, entamant un voyage sans retour, condamnés à devenir étrangers ou apatrides, et pour Mehmet, professeur turc chassé de son pays pour ses opinions, croisé au cours d’un chantier de maçonnerie. (Reconnu réfugié politique et accueilli en France, craignant pour sa famille restée au pays, il se savait condamné à l’éloignement pour longtemps), j’offre ce poème de Nazim Hikmet, grand écrivain turc qui connut hélas « le dur métier de l’exil ».
ANGINE DE POITRINE
Si la moitié de mon cœur est ici, docteur,
L’autre moitié est en Chine,
Dans l’armée qui descend vers le Fleuve Jaune.
Et puis tous les matins, docteur,
Mon cœur est fusillé en Grèce.
Et puis, quand ici les prisonniers tombent dans le sommeil
quand le calme revient dans l’infirmerie,
Mon cœur s’en va, docteur,
chaque nuit,
il s’en va dans une vieille
maison en bois à Tchamlidja
Et puis voilà dix ans, docteur,
que je n’ai rien dans les mains à offrir à mon pauvre peuple,
rien qu’une pomme,
une pomme rouge : mon cœur.
Voilà pourquoi, docteur,
et non à cause de l’artériosclérose, de la nicotine, de la prison,
j’ai cette angine de poitrine.
Je regarde la nuit à travers les barreaux
et malgré tous ces murs qui pèsent sur ma poitrine,
Mon cœur bat avec l’étoile la plus lointaine.
Nazim Hikmet, né en 1901 à Salonique décédé en 1963 à Moscou, est le plus grand poète turc contemporain. Marxiste, il passa plus de 15 ans de sa vie en prison en plusieurs enfermements pour délit de propagande et l’autre partie en exil. Amnistié en 1950, il part en exil en 1951 quand on veut lui faire faire son service militaire à 49 ans alors qu’il est déjà diplômé d’une école militaire, le gouvernement turc le déchoit de sa nationalité. Soutenu dans le monde entier par les plus grands écrivains, traduit dans 50 langues, il reçoit le prix international de la paix en 1955 avec Picasso et Neruda. Il continuera son œuvre littéraire et poétique et son combat pour un monde nouveau où chacun aurait le droit de vivre dans la dignité, à Moscou, avec la nationalité polonaise… La nationalité turque lui sera rendue en 2009, un conseil des ministres ayant reconnu que les crimes pour lesquels il avait été condamné n’en étaient plus de nos jours !!!
L’invitée du dimanche
Commentaires
"comme le scorpion, mon frère, tu es comme le scorpion...Irais-je jusqu'à dire que c'est de ta faute? non, mon frère, mais tu y es pour quelque chose."
ou quand la poésie devient une arme de conviction massive...