L’esprit des lois

J’avoue que je portais jusqu’à présent une certaine admiration et même de l’estime à l’égard de l’ancien mannequin connue sous le diminutif d’Inès de la Fressange, plus commode à caser que Inès Marie Laetitia Églantine Isabelle de Seignard de la Fressange. Pour être tout à fait honnête, on ne peut pas rester indifférent au charme dont elle joue toujours, sans en abuser, à près de 58 ans. Mais vous me croirez, je l’espère, si je vous dis que j’étais sensible à son intelligence, son esprit et son sens de l’humour et de la répartie.

C’est donc avec une certaine déception que j’ai appris que, comme beaucoup de gens aisés, elle s’était affranchie des lois en vigueur pour le commun des mortels en construisant une bâtisse de 100 m² sur un terrain inconstructible à Tarascon. Elle vient d’être condamnée à stopper les travaux et à démolir la construction existante, déjà assez avancée. Aucun permis de construire n’avait été sollicité, et pour cause, le terrain était situé sur les hauteurs dominant le Rhône, une vue imprenable et un site protégé qui serait classé monument historique, selon l’ADER, l’association de défense de l’environnement qui a porté plainte.

L’historique est d’une banalité affligeante. Le précédent propriétaire avait implanté un simple cabanon, sans rien demander à personne. Bon, c’est une construction démontable, donc c’est toléré. Mais on y ajoute progressivement des éléments de confort jusqu’à en faire une véritable villa, qu’Inès de la Fressange projetait d’agrandir pour en faire sa résidence secondaire, dotée évidemment des équipements dus à son standing. Toujours sans solliciter de permis dont on sait par avance qu’il serait refusé.

Quand un simple particulier se hasarde à procéder de la sorte, il sait qu’il s’expose à être délogé sans ménagements, comme les propriétaires de cabanes sur l’île de Ré il y a quelque temps. Quand il s’agit de paillotes exerçant sans droits une activité de restauration sur la plage, l’état intervient, y compris illégalement s’il le faut. Et une personne appartenant à la prétendue haute société pourrait être dispensée des formalités auxquelles les simples citoyens devraient se soumettre ? C’est pourtant ce que semble croire Inès de la Fressange, qui fait appel du jugement au motif qu’elle aurait été avisée tardivement de la procédure. Définitivement, cela manque de classe pour une égérie du bon goût.