Suivez le bœuf
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 22 juillet 2015 10:14
- Écrit par Claude Séné
Vous l’aurez remarqué, je suis d’humeur à regarder dans le rétro en ce moment. Ce slogan date en effet du début des années 60 quand les ministres successifs du Commerce intérieur, Fontanet puis Misoffe, s’étaient mis en tête d’inciter les Français à manger plus de viande. Le seul petit problème, c’est que la viande bovine venait d’augmenter dans des proportions considérables, et qu’il s’agissait donc essentiellement de faire baisser le prix tout en consommant davantage. Cette campagne de promotion d’une grande cause nationale, puisque la publicité était interdite à la télévision, n’aura connu qu’un succès limité, tout en suscitant les moqueries des humoristes.
L’un d’entre eux, Jean Poiré, va même écrire et chanter une parodie de la valse à mille temps sortie par Brel deux ans plus tôt, sous le titre « la vache à mille francs », dans laquelle il dénonce la valse des étiquettes au fur et à mesure du passage par les nombreux intermédiaires de la filière bovine. Son texte est de ce point de vue d’une étonnante modernité, au moment où les éleveurs sont amenés à manifester bruyamment pour demander un prix rémunérateur à leur activité. Ce qui a beaucoup changé depuis les années 60 en revanche, c’est l’organisation de la distribution des produits alimentaires. Les groupes agro-industriels, l’ancien épicier de Landerneau en tête ont pris le pouvoir et se livrent à une guerre commerciale sans pitié, étranglant les producteurs en leur imposant des prix très bas, quand ils ne leur extorquent pas des rétrocommissions à la limite de la légalité et même parfois au-delà.
Le tout s’opérant sous un prétexte totalement fallacieux de défense du consommateur, dont personne n’est plus dupe de nos jours. Lorsque les producteurs locaux, de viande bovine comme d’autres denrées, auront disparu faute de rentabilité, il ne nous restera plus qu’à nous contenter de produits d’importation, qui finiront par nous coûter aussi cher quand leurs pays d’origine se seront alignés sur les normes sociales et salariales, au détriment de la variété et la qualité, sans compter le gâchis environnemental du gaspillage lié au transport.
Un chantier compliqué pour le gouvernement, mais qu’il est pourtant grand temps de commencer sous peine de risque d’explosion.