Les nouveaux experts
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 21 juillet 2015 09:26
- Écrit par Claude Séné
Vous connaissez comme moi, et probablement mieux, ces séries télévisées qui mettent en scène des experts extraordinaires, capables de faire parler le moindre mégot de cigarette ou l’ADN d’un cheveu abandonné sur une scène de crime. Grâce aux progrès de la police scientifique, les affaires criminelles sont élucidées sans le moindre doute possible. Tout est clair comme de l’eau de roche, on a envie de s’écrier « bon sang ! Mais c’est bien sûr ! » comme au bon vieux temps des « cinq dernières minutes », pendant que Madame Maigret apporterait de la bière et des sandwiches à son Jules de mari.
Un monde de certitudes hélas bien éloigné du monde réel, comme aiment à l’évoquer d’autres émissions consacrées à des affaires plus obscures, au terme desquelles on est rien moins que certain d’avoir découvert la vérité vraie. Pendant que l’on fait entrer l’accusé, on se rend généralement compte que les enquêtes sont loin d’avoir été menées par des experts. Pour tout dire, on a souvent l’impression qu’elles ont été bâclées dans le meilleur des cas, pour ne pas dire inexistantes dans d’autres. Sans jeter la pierre spécifiquement sur ce corps de métier, c’est souvent vérifié pour la gendarmerie, qui ne semble avoir bénéficié d’aucune formation dans ce domaine et détruit souvent systématiquement toutes les preuves, quand elle ne sabote pas carrément les lieux, rendant impossible toute investigation ultérieure. Au moment des procès d’assises, ressurgissent les fameux experts, qui, au-delà de se contredire mutuellement, sont souvent à l’origine de théories plus ou moins fumeuses dans le seul but d’étayer une accusation qui peine à s’appuyer sur des preuves matérielles ou des indices concordants. Tout est bon pour boucler un réquisitoire, et l’on s’aperçoit rapidement que contrairement au droit, le doute profite rarement à l’accusé et qu’il a tout intérêt à prouver son innocence si c’est possible, et encore plus s’il a le malheur d’avoir la tête de l’emploi, d’être peu sympathique ou de ne pas savoir se défendre.
Les plus controversés des experts, et à juste titre, me semble-t-il, sont les psychiatres chargés de déterminer le degré de responsabilité des personnes accusées de crimes. À moins de présenter tous les symptômes d’une aliénation mentale à un stade avancé, telle que le commun des mortels ne puisse pas en douter à sa simple vue, vous pouvez être sûr qu’il conclura à sa responsabilité pleine et entière. Rien de plus normal, si l’on songe que l’institution judiciaire n’a pas pour but de rechercher la vérité, mais de maintenir l’ordre établi. Une bonne raison pour éviter de s’y frotter et de s’y piquer.