14 Juillet
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 12 juillet 2015 10:46
- Écrit par L'invitée du dimanche
Je ne suis pas particulièrement portée vers un patriotisme effréné, mais touchée émotionnellement par les malheurs de nos voisins grecs dont je ne voudrais à aucun prix vivre l’enfer, je me suis reconnue Française, porteuse de l’héritage de toutes les luttes parfois fratricides qui m’ont donné le droit à un sentiment de liberté et de responsabilité de l’avenir. J’aime être habitée encore par l’espoir qu’il sera meilleur pour les générations futures, et j’offre ce poème d’André Frénaud au peuple grec qui doit se sentir aujourd’hui trahi ou abandonné dans son droit à assumer ses choix.
Le rouge des gros vins bleus,
la blancheur de mon âme,
Je chante les moissons de la République
sur la tête des enfants sages
le soir du quatorze juillet.
Et l’ivresse de fraternité des hommes dans les rues,
aux carrefours des rêves de la jeunesse
et des soupirs de l’âge,
au rendez-vous de la mémoire et des promesses,
dans le reverdissement de l’espoir par la danse.
C’est le jour de fête de la Liberté.
Nous avions oublié la vieille mère
dont les anciens ont planté les arbres…
Le génie de la Bastille a sauté parmi nous.
Il chante dans la foule, sa voix mâle nous emplit.
Au Faubourg s’est gonflé le levain de Paris.
Dans la pâte, nous trouverons des guirlandes de verdure,
quand nous défournerons le pain de la justice...
C’est aujourd’hui ! Nous le partagerons en un banquet,
sur de hautes tables avec des litres.
Le monde est en liesse, buvons et croyons !
Je bois à la joie du peuple, au droit de l’homme
de croire à la joie au moins une fois l’an.
À l’iris tricolore de l’œil apparaissant
entre les grandes paupières de l’angoisse.
À la douceur précaire, à l’illusion de l’amour.
André Frénaud (France, 1907).
(« 14 Juillet », dans Soleil irréductible, 1943 1959).
Prix national de poésie en 1985, décédé en 1993, il est traduit en 12 langues, auteur contemporain d’Éluard et d’Aragon, il a publié de très nombreux recueils… se définissant comme « inadmissible » il portait la vie comme un fardeau, rejoignant Kafka, Rimbaud… tâtonnant, toujours, à travers la nuit longue des larmes de la nuit « Comme la terre, l’homme tourne sur lui-même, cherchant en vain la possibilité du repos. La quête, c’est tourner autour du lieu inabordable. » Mais il savait s’émerveiller du monde et des bêtes « admissibles » à ses yeux. Un poète à découvrir !
L’invitée du dimanche